L’installation de lignes télégraphiques à partir de 1878 permit de faciliter les communications entre les postes coloniaux et de mieux contrôler les territoires. Son installation fut source de conflits en outre.
Au Fuuta Tooro, le télégraphe était appelé « boggol tuubaak », « la corde de l’homme blanc ». La portée littérale et métaphorique de ce nom était lourde, car la pose et l’entretien du télégraphe furent synonymes de travail forcé et de réquisitions.
En 1880, la possibilité d’installer le télégraphe de Podor à Saldé fut source de divisions au Fuuta. Des consultations furent faites sur la portée de cette technologie par le Batu Fuuta.
Parmi les personnes consultées figurent Pèdre Alassane Mbengue (v.1821-1887), traitant saint-louisien et grand importateur de thé [d’où son surnom de « roi du thé »], et Cheikh Mamadou Mahmoud Kane (v.1848-1890) Sur la photo,
Khayar Mbengue (1875-1949), fils de Pedre Alassane Mbengue (v.1821-1887).
Dans cette lettre Cheikh Mamadou Mahmoud Kane (m.1890), parle du conclave des chefs du Fouta à Horndoldé, pour discuter du télégraphe. Et comment, il a été consulté (vu qu’il résidait en partie à Saint-Louis) et comment Ali Bokar Kane, l’a invité à se joindre à eux contre les Français
Dans les archives, le traitant Pèdre Mbengue tint au courant le gouverneur de toutes ces consultatations. Ould Heyba, allié Ould Aydi’ d’Abdoul Bokar, opposant à la ligne, fut soudoyé pour atténuer la position de celui-ci
Finalement, la brigade télégraphique qui avait reçu l’accord de l’Almaami, pour être installée, et qui était sécurisée par le Lam Tooro Mamadou Abdoul Djiby (r.1878-1883), fut battu et malmené par de jeunes Fuutankoobe menés par Mamadou Abdoul Bokar Kane, fils du jaggorgal, et Saidou, fils d’Elimane Boungou
Sur la photo, on peut voir la « brigade télégraphique » du commandant Borgnis-Desbordes, reliant Kayes à Kita (au Mali). Mademba Sy (v.1853-1918), en uniforme au centre, fut de l’équipe télégraphique entre Saldé et Bakel.
près l’hivernage 1880, la colonne Pons vint au Fuuta Tooro pour sécuriser l’installation des poteaux. Avec eux étaient les troupes du Tooro commandées par le Laam Toro Mamadou Abdoul (v.1850-1887 ; r.1878-1883). La colonne campa à Mbagne où elle réussit à rallier plusieurs chefs au projet télégraphique.
Le jaggorgal Abdoul Bokar leva des troupes, réussit à embarrasser plusieurs chefs à revenir sur leurs promesses aux Français. Les troupes du Bosséa attaquèrent les Français à Dirmbodya, tuant la moitié des troupes européennes avant de battre retraite
La colonne Pons en représailles, entra dans le Bosséa, brûla Thilogne, mais n’osant pas s’avancer davantage. Le Lam Tooro Mamadou Abdoul, craignant de s’exposer si loin de sa base du Tooro
ans leur retour vers l’ouest, les troupes françaises et leurs alliés du Tooro razzièrent plusieurs villages du Yirlaabe et du Laaw, emportant bétail, chevaux, biens, et personnes également. Suscitant l’ire de tout le Fuuta Tooro.
Les troupes coloniales qui campaient dans le Yirlaabe était nourries par les résidents, ce qui commençait à les agacer. Pire, le Lam Tooro se refusait à rendre son « butin »; il alla jusqu’à razzier 9000 moutons des Maures Tuwabir, avant de retourner avec toute sa smala au Tooro
Le Lam Tooro partait, laissant les troupes de Pons en mauvaise posture dans le Yirlaabe. Il montrait ainsi qu’il avait atteint ses « objectifs de campagane » et n’en avait rien à cirer du « boggol tuubaak ».
Ce furent les traitant Pèdre Alassane, le mulâtre saint-louisien Raymond Martin, l’émir du Brakna Sidi Ely [V.1835-1892 ; R.1858-1892] et son vassal Ould Heyba [m.1883] qui s’attelèrent à trouver un compromis alors que le gouverneur Brière de l’Isle était rappelé.
Compensations financières pour la campagne, restitution des biens razziés, pose de la ligne télégraphique et paiement des travailleurs. Les conventions de Gababé et de Horéfondé furent signées pour mettre fin au conflit
En 1881, le Lam Tooro Mamadou Abdoul Djiby Samba Sall fut déposé. Il était remplacé par Hammé Gaysiri Sall, un dynaste qui revenait de Nioro du Sahel où il s’était couvert de glore durant les campagnes omariennes. Hammé Gaysiri était soutenu par Abdoul Bokar et le Laamido Juulbe
Il devait mourir quelques mois plus tard (novembre 1881) et des soupçons d’empoisonnement furent très vite émis. Hammé Gaysiri Ali Samba Sall fut remplacé par Bokar Sidiki Sall, petit-fils du Lam Tooro Djiby Samba Sall, qui est resté dans la postérité, associé à Baydi Kacce Pam
En 1890, plusieurs villages du Boosoya dont les Agnam (Godo, Wuro Siré, Lidube, Barga, Siwol), Diowol et Dondou, furent brûlés par le colonel Dodds, pour avoir saboté/brûlé des lignes télégraphiques, dans le contexte de l’ultime résistance