Le 25 mars 1897 à Balel, un village de Fulbe Njaakirnaabe dans le Boosoya, une vingtaine de guerriers maures, appartenant à la tribu des Shrattit, sont fusillés à mort. Six d’entre eux meurent, les autres, blessés ou étonnés, réusssisent à s’enfuir. Parmi les victimes mortelles, figurait Radi Ethmane, un Maure Shrattit, « agent politique » de l’entreprise coloniale dans la vallée du fleuve et dans le nord du Fuuta Tooro (rive mauritanienne). Les auteurs de ce coup de main sont désignés comme des Fulbe Njaakirnaabe et des Maures Ould Aydi. Ils sont identifiés aussi comme des partisans du jaggorgal Abdoul Bookar Kane, assassiné en aout 1891 par des guerriers Shrattit, tribu à laquelle appartiennent les victimes de Balel. S’agit-il d’une vendetta d’anciens partisans du jaggorgal? Radi Ethmane, l’agent politique était fortement impliqué dans la traque du jaggorgal et dans les tractations qui mèneront à sa mort.
Vers 1889, Rhadi Ousmane était le principal intermédiaire entre sa tribu [les Shrattit] et Saint-Louis, et effectuait souvent des missions secrètes d’espionnage contre ceux qui posaient obstacle à la colonisation.
En mars 1897, il fut victime d’une conjuration menée par Demba Alarba, un ancien lieutenant du jaggorgal Abdoul Bokar, qui posait beaucoup de problèmes aux chefs nommés par l’administration coloniale.
Demba Alarba fut condamné à mort pour ce « lâche attentat » mais cette sentence fut commuée en une déportation au bagne du Gabon.
Selon sa fiche de déportation ,
le 27 mars 1897, une troupe de 20 guerriers maures de la tribu des Chrattit, ayant à sa tête Rhadi Ousmane arrivait à Balel, village situé dans le cercle de Matam sur la rive gauche du Sénégal. Ils se présentèrent immédiatement au chef de camp peulh de cet endroit pour demander de l’hospitalité qui leur fut accordée par les neveux du chef, en l’absence de celui-ci, mais à la condition qu’ils déposeraient leurs armes dans uen case, ce à quoi les Maures consentirent.
Le lendemain à l’aube, les Chrattit sans défense étaient tranquillement assis sur des nattes, lorsqu’une fusillade très vive éclata de tous côtés. Rhadi Ousmane et cinq de ses compagnons tombèrent mortellement frappés ; le reste de la bande réussit à s’enfuir. Le « lâche attentat » avait été mené par des Oulad Aydi en connivence avec « certains indigènes de la région. Le plus compromis de tous les prévenus était un toucouleur nommé Demba Alarba, ennemi personnel de Rhadi Ousmane. Demba Alarba fut condamné à mort et envoyé au bagne du Gabon. Les autres inculpés payèrent le prix du sang [diyya] pour Rhadi Ousmane et les autres victimes.
Au Gabon, Demba Alarba fut impliqué dans des mutineries dans la colonie pénale, avec d’autres comme le Buurba Samba Laobé Ndiaye du Jolof et Mandoungou Mbodj du Walo.
Une autre victime de déportation célèbre, Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké, fut accusé d’être derrière ces troubles. iIl fut transporté, avec le Buurba Jolof Samba Laobé, dans la fameuse île de Wir-Wir, au large de Mayombé, pour l’isoler des autres détenus.
L’entreprise coloniale s’appuyait sur des « agents politiques », des intermédiaires qui, connaissant le pays, les moeurs et les dynamiques politiques, pouvaient « faciliter » le projet colonial. Rhadi Ousmane en fut un et fut décisif dans la mise en œuvre du blocus sur la rive droite, empêchant aux tribus maures tout accès au commerce fluvial. Blocus qui accélèrera l’assassinat du jaggorgal par les Shrattit en aout 1891. Ainsi, en juin 1891, le capitaine Plesbuy, commandant du cercle de Kaédi écrivait :
Reçu par l’intermédiaire du chef de poste de Matam une lettre de Râdi, Bidhane envoyé en mission par le directeur des Affaires politiques. Il se montre tout heureux des résultats obtenus [à propos du blocus sur la rive droite] et prétend que à bref délai, les Ahel Sidi Mahmoud vont nous rabattre Abdoul [Bokar] sur le fleuve. J’ai entendu parler par d’autres Bidhane de l’escale [Kaédi] d’une expédition de ce genre qui aurait été entreprise sous les auspices du commandant de Bakel. Peu de confiance dans le résultat final (…) Mon avis est que toute tentative faite en s’appuyant sur les Bidhane seuls échouera. Il fallait complicité interne.
Le capitaine Plesbuy avait tort. Les résultats étaient probants deux mois après ces notes quand le jaggorgal fut assassiné par les Shrattit.
Après la mort du jaggorgal, Radi Ousmane était toujours actif pour traquer le Buurba Alboury, au compte des troupes françaises
e 26 août, Râdi Ethman rentra à Kaédi après avoir effectué une mission confiée par l’administrateur Desbuisson pour s’enquérir des nouvelles de Al Buri. D’après le capitaine, Râdi lui avait confirmé la présence du burba et de quelques partisans du Fuuta et du Jolof auprès de Bakkar Ould Sweyd Ahmed [émir du Tagant].
A la fin du mois de novembre 1891, ils participaient à la bataille de Oued Segelli au cours de laquelle les troupes abâkak [de Bakar] furent battues par celles de l’Adrâr. Albouri quitta par la suite le Tagant pour rejoindre de nouveau Amadu Sayku [Tall].
Un Maure se rendit à la tente d’Abdoul Bokar Kane. Abdoul avait préparé un méchoui (viande grillée) et du thé. Le lendemain matin, Abdoul quitta sa tente sans ses amulettes, et alla saluer le Maure. Il lui tendit la main et lui donna un verre de thé qu’il but. Après avoir bu, le Maure fit signe à un de ses compagnons de tirer sur Abdoul alors que celui-ci retournait à sa tente.
Abdoul fut atteint dans le dos, à une distance de cent mètres. Les partisans d’Abdoul se rassemblèrent autour du jaggorgal gisant, et se battirent contre les Maures.
Abdoul Bokar Kane fut ramené à sa tente malgré ses protestations alors que le combat avait lieu au-dehors. À sa mort, ils l’enterrèrent sur place [à Guérou]. »
C’est en ces mots que le traditionnaliste Bani Guissé décrit la mort du jaggorgal de Dabia-Odeeji, Abdoul Bokar Kane (m.1891), résistant à la domination française pendant 30 ans.
En aout 1891, le jaggorgal Abdoul Bokar Kane et dernier résistant à la colonisation au Fouta, était assassiné par des Maures Shrattit alors qu’il discutait avec des marabouts idaw’ Ich (Dowich/Douaich) sur la rive nord du fleuve Sénégal. Son assassinat marquait la fin de la résistance armée au Fuuta Tooro et augurait de la domination coloniale directe.
Abdoul Bokar s’approvisionnait en mil, sans doute en prévision d’un fergo vers Nioro. C’est dans ce contexte qu’il fut assassiné par l’émire Shrattit Mokhtar ould Ousmane et son neveu, Samba Filali. En effet, la colonne Dodds (entrée dans le Fuuta en décembre 1890), appuyée par plusieurs chefs Walo-Walo, Kajoor-Kajoor et Fuutankoobe, avait réussi à isoler politiquement le ministre-électeur du Boosoya, et à réograniser administrativement le Fuuta Tooro.
La colonne Dodds avait reçu des instructions claires du gouverneur : « Faire la guerre et non la palabre. Marquer l’esprit des générations présentes et à venir, brûler tous les villages coupables d’attaque contre les courriers, les convois fluviaux et les incidents de poteaux télégraphiques et imposer de lourdes amendes, après avoir établi la responsabilité collective.»
En février 1890, Dabia Odeeji, Boki Diawé, Ngijilogne et tous les villages des sebbe kolyaabe, favorables à Abdoul Bokar sont détruits. Agnam, Dondou, Dolol, Diowol, sont réduits en cendres.
À Nguidjilogne, Demba Tall, un des partisans d’Abdoul Bokar, originaire de Sincu Bamambe, s’ouvre le ventre avec une corne de gazelle, sous les louanges de sa femme Ndialka. Il préférait cela à se rendre aux Français.
Subissant des pressions sur le fleuve, sur la rive nord avec les troupes du Laaw et du Yirlaabe, et sur la rive sud et dans l’est avec les Hayrankoobe dirigés par Siré Diyye, Abdoul Bokar avait repiqué au nord du fleuve, où son action se limitait à des raids contre les alliés des Français.
Pour dissuader les Maures de l’appuyer, le colonel Dodds avait imposé un embargo commercial contre tous les Maures de la rive droite, sauf leurs alliés du Brakna ; la levée de cet embargo étant conditionnelle à la « délivrance d’Abdoul Bokar ».
Pour dissuader les partisans d’Abdoul Bokar d’aller à l’est chez le Laamdo Julbe, Archinard et Dodds font passer de Matam à Podor, 7500 rescapés de la bataille de Nioro (1er janvier 1891) et leurs familles, hagards et haletants. Le message était : il n’y a rien à l’est pour vous.
Plusieurs alliés du jaggorgal restés dans le Fouta étaient également traqués.
Ardo Galoya Abdoul Sow était exécuté par Dodds
Ceerno Celol Abdoul Ciré Daff, démis de toutes responsabilités politiques dans le Fuuta colonial émergent, de même que Ceerno Funeebe d’Ogo.
Ceerno Funeebe n’eut la vie sauve que suite à l’intervention d’Ibra Abdoul Ciré Wane de Kanel, auprès de Dodds. C’est dans ce contexte que le jaggorgal après une discussion avec Moktar Ould Ousmane, émir des Shrattit, fut fusillé par des Maures, alors qu’il sortait de sa khaima.
L’Almaami du Boundou Saada (r.1886-1888), fils de Hamady Saada, fils de l’Almaami Saada Hamady (r.1839-51), fils de l’Almaami Hamadi Aissata (r.1794-1819), fut sérieusement blessé durant ce combat. Il était beau-frère et bon ami du jaggorgal.
Avec le jaggorgal était aussi son fils cadet Bokar Abdoul (v.1871-1934). Les assassins se saisirent du camp, pillant tous les biens avant de filer à vive allure annoncer la nouvelle à Dodds à Kaédi. Ils laissaient aux marabouts douaich, le soin d’enterrer le jaggorgal.
Après cet assassinat, Mamadou Abdoul Bokar (v.1861-1940s), fils du jaggorgal et Ali Bokar, frère du jaggorgal, furent déportés au Congo. Le Buurba Alboury Ndiaye, continua vers l’est, à Nioro du Sahel, et au-delà.
L’installation de lignes télégraphiques à partir de 1878 permit de faciliter les communications entre les postes coloniaux et de mieux contrôler les territoires. Son installation fut source de conflits en outre.
Au Fuuta Tooro, le télégraphe était appelé « boggol tuubaak », « la corde de l’homme blanc ». La portée littérale et métaphorique de ce nom était lourde, car la pose et l’entretien du télégraphe furent synonymes de travail forcé et de réquisitions.
En 1880, la possibilité d’installer le télégraphe de Podor à Saldé fut source de divisions au Fuuta. Des consultations furent faites sur la portée de cette technologie par le Batu Fuuta.
Parmi les personnes consultées figurent Pèdre Alassane Mbengue (v.1821-1887), traitant saint-louisien et grand importateur de thé [d’où son surnom de « roi du thé »], et Cheikh Mamadou Mahmoud Kane (v.1848-1890) Sur la photo,
Khayar Mbengue (1875-1949), fils de Pedre Alassane Mbengue (v.1821-1887).
Dans cette lettre Cheikh Mamadou Mahmoud Kane (m.1890), parle du conclave des chefs du Fouta à Horndoldé, pour discuter du télégraphe. Et comment, il a été consulté (vu qu’il résidait en partie à Saint-Louis) et comment Ali Bokar Kane, l’a invité à se joindre à eux contre les Français
Dans les archives, le traitant Pèdre Mbengue tint au courant le gouverneur de toutes ces consultatations. Ould Heyba, allié Ould Aydi’ d’Abdoul Bokar, opposant à la ligne, fut soudoyé pour atténuer la position de celui-ci
Finalement, la brigade télégraphique qui avait reçu l’accord de l’Almaami, pour être installée, et qui était sécurisée par le Lam Tooro Mamadou Abdoul Djiby (r.1878-1883), fut battu et malmené par de jeunes Fuutankoobe menés par Mamadou Abdoul Bokar Kane, fils du jaggorgal, et Saidou, fils d’Elimane Boungou
Sur la photo, on peut voir la « brigade télégraphique » du commandant Borgnis-Desbordes, reliant Kayes à Kita (au Mali). Mademba Sy (v.1853-1918), en uniforme au centre, fut de l’équipe télégraphique entre Saldé et Bakel.
près l’hivernage 1880, la colonne Pons vint au Fuuta Tooro pour sécuriser l’installation des poteaux. Avec eux étaient les troupes du Tooro commandées par le Laam Toro Mamadou Abdoul (v.1850-1887 ; r.1878-1883). La colonne campa à Mbagne où elle réussit à rallier plusieurs chefs au projet télégraphique.
Le jaggorgal Abdoul Bokar leva des troupes, réussit à embarrasser plusieurs chefs à revenir sur leurs promesses aux Français. Les troupes du Bosséa attaquèrent les Français à Dirmbodya, tuant la moitié des troupes européennes avant de battre retraite
La colonne Pons en représailles, entra dans le Bosséa, brûla Thilogne, mais n’osant pas s’avancer davantage. Le Lam Tooro Mamadou Abdoul, craignant de s’exposer si loin de sa base du Tooro
ans leur retour vers l’ouest, les troupes françaises et leurs alliés du Tooro razzièrent plusieurs villages du Yirlaabe et du Laaw, emportant bétail, chevaux, biens, et personnes également. Suscitant l’ire de tout le Fuuta Tooro.
Les troupes coloniales qui campaient dans le Yirlaabe était nourries par les résidents, ce qui commençait à les agacer. Pire, le Lam Tooro se refusait à rendre son « butin »; il alla jusqu’à razzier 9000 moutons des Maures Tuwabir, avant de retourner avec toute sa smala au Tooro
Le Lam Tooro partait, laissant les troupes de Pons en mauvaise posture dans le Yirlaabe. Il montrait ainsi qu’il avait atteint ses « objectifs de campagane » et n’en avait rien à cirer du « boggol tuubaak ».
Ce furent les traitant Pèdre Alassane, le mulâtre saint-louisien Raymond Martin, l’émir du Brakna Sidi Ely [V.1835-1892 ; R.1858-1892] et son vassal Ould Heyba [m.1883] qui s’attelèrent à trouver un compromis alors que le gouverneur Brière de l’Isle était rappelé.
Compensations financières pour la campagne, restitution des biens razziés, pose de la ligne télégraphique et paiement des travailleurs. Les conventions de Gababé et de Horéfondé furent signées pour mettre fin au conflit
En 1881, le Lam Tooro Mamadou Abdoul Djiby Samba Sall fut déposé. Il était remplacé par Hammé Gaysiri Sall, un dynaste qui revenait de Nioro du Sahel où il s’était couvert de glore durant les campagnes omariennes. Hammé Gaysiri était soutenu par Abdoul Bokar et le Laamido Juulbe
Il devait mourir quelques mois plus tard (novembre 1881) et des soupçons d’empoisonnement furent très vite émis. Hammé Gaysiri Ali Samba Sall fut remplacé par Bokar Sidiki Sall, petit-fils du Lam Tooro Djiby Samba Sall, qui est resté dans la postérité, associé à Baydi Kacce Pam
En 1890, plusieurs villages du Boosoya dont les Agnam (Godo, Wuro Siré, Lidube, Barga, Siwol), Diowol et Dondou, furent brûlés par le colonel Dodds, pour avoir saboté/brûlé des lignes télégraphiques, dans le contexte de l’ultime résistance
Parler de caste peut paraitre incongru tant le terme est porteur de connotations. Si le terme caste est souvent utilisé pour décrire les sociétés sahéliennes, il est important de noter que les connotations de pureté et d’impureté qu’on peut trouver dans d’autres civilisations, y sont absentes. Dans le Sahel, il s’agit plus d’une hiérarchisation socioprofessionnelle, plus ou moins rigide selon le temps et l’époque; une stratification qui perd de son sens avec la modernité mais structure toujours les relations entre les membres. Ainsi pour Cheikh Moussa Kamara de Ganguel, “l’appartenance statutaire (al-asl), au Fuuta Tooro, se définit (d’abord) par l’activité (al-hīrfa). C’est elle qui désigne le rang social et pas autre chose. Aussi celui qui exerce une profession et est connu comme tel ainsi que ses fils et ses petits-fils appartiennent au groupe statutaire qui correspond à cette profession.“
Les sociétés organisées en classe socio-professionnelles héréditaires sont communes à plusieurs peuples de la sous-région sahélienne et de l’Afrique de l’ouest. La société peule du Fuuta Tooro ne déroge pas à la règle, elle connait une organisation extrêmement stratifiée et hiérarchisée qui peut être difficile à assimiler aussi bien pour un étranger que pour un natif. L’idée de cet article est de présenter une vue d’ensemble de ces groupes socio-professionnels qui composent à eux tous la société Foutanké.
Limites théoriques du Fuuta-Tooroà son apogée par Oumar Kane
Le Fuuta Tooro est un ancien Etat et une zone de peuplement de l’ethnie peule située à cheval entre la Mauritanie et le Sénégal dans la moyenne vallée du fleuve Sénégal comme présenté sur la carte ci-dessus. Le Fouta est entouré des émirats maures au nord, du Guidimakha soninké à l’est et des Etats wolofs au sud et à l’ouest ce qui fait de lui un carrefour culturel et ethnique mais également une zone tampon aux influences multiples.
Il est important de comprendre la souche de peuplement du Fouta avant d’aborder le sujet des castes. Les natifs du Fuuta Tooro se nomment eux-même « Fuutaankooɓe » (sing. Fuutaanke) et bien que d’origines diverses partagent aujourd’hui le pulaar (nom de la langue peule à l’ouest de l’Afrique), la culture peule et l’islam en commun.
Si l’origine du terme “Fouta” fait débat chez les historiens (cf. précédent article), le terme “Tooro” lui pourrait selon Oumar Kane venir du verbe “toorde” qui signifie le fait d’homogénéiser une bouillie de mil en pulaar. Cette homogénéisation d’un ensemble à la base hétérogène témoigne des origines ethniques diverses des habitants du Fouta.
En effet, bien que nous parlons de société peule il est important de préciser que les habitants du Fouta sont issus d’un melting-pot plus ou moins ancien et ne sont pas forcément tous initialement d’origine peule. Nous pouvons aisément distinguer deux grands groupes selon l’ascendance que les Foutanké distinguent eux-mêmes : les Peuls ou Fulɓe (sing. Pullo) et les Haalpulaaren (“ceux qui parlent pulaar”) ou dans la version française “Toucouleurs “, dérivé du nom de l’ancien royaume du Tekrour et de l’appelation wolof “Tukulor” comme vu dans l’article précédent.
Les Haalpulaaren sont issus d’un métissage culturel entre Peuls, Wolof, Sèrères, Soninké habitant dans la vallée du fleuve et partageant l’Islam et la culture peule comme identité. La foulanité de toutes ces populations ne faisant aucun doute, du moins culturellement parlant, nous conserverons le terme de société peule pour désigner celle du Fuuta Tooro.
Les castes sont appelés en pulaar Kinɗe (sing. Hinnde) et correspondent à des corps de métiers bien définis qui s’héritent par le père. Il est plus judicieux de distinguer les trois grands groupes qui forment ces castes avant de les aborder en détail.
Les Nobles : Rimɓe (sing. Dimo)
Les Artisans : Ñeeñɓe (sing. Ñeeño)
Les Captifs : Jiyaaɓe (sing. Jiyaaɗo) ou Maccuɓe (m) / Horɓe (f)
Les Nobles sont en haut de l’échelle, ils sont subdivisés en 5 castes :
Fulɓe ou Fulɓe Jeeri : Les Peuls (éleveurs)
Tooroɓɓe: les Chefs religieux / Marabouts
Seɓɓe: les Guerriers
Subalɓe: les Pêcheurs
Jawaanɓe: les Courtisans / Diplomates
FULƁE (sing. Pullo): Les éleveurs peuls au Fuuta Tooro sont un corps de métier d’origine peule et portent des patronymes tels que : Diallo, Ba, Sow, Dia, Ann, Ka, Barry… Ils sont les praticiens de l’élevage de bovins et d’ovins et sont originellement nomades ou transhumants dans la savane du Jeeri.
Une bonne partie d’entre eux sont des « Fulɓe Waalwaalɓe », aujourd’hui sédentarisés près du fleuve à proximité des terres cultivables où ils pratiquent l’agriculture et l’élevage en enclos. Ils sont islamisés et ont délaissé le nomadisme pour s’adonner à l’apprentissage de la religion et d’autres activités de la vie citadine.
Les Fulɓe même sédentarisés restent néanmoins très attachés à la vache et à la tradition pastorale, et surtout à la consommation du lait. L’adage dit : « Pullo kaarɗo kosam biraɗam » (“Le Peul nourri au lait frais”). L’élevage étant le métier par excellence en accord avec le Pulaagu il est considéré comme un idéal dans toutes les sociétés peules, sédentarisées ou non.
TOOROƁƁE (sing. Tooroɗo): Cheikh Moussa Kamara décrit cette caste comme un groupe d’agriculteurs sédentaires d’origines diverses (Peuls, Wolofs, Soninkés, Maures..) voués aux sciences islamiques qui en font une profession héréditaire dans la famille. Certains comme Oumar Kane remontent l’origine du mot « Tooroɗo » au verbe pulaar « toraade » (supplier/quémander/demander l’aumône). Surnom donné par les Fulɓe aux élèves des écoles coraniques qui disaient d’eux: « Tooroɗo ko torotooɗo » (“le Tooroɗo est un quémandeur”). Ce groupe est le dernier à émerger parmi ceux qui composent la société fuutanke
Originellement inclusif suite à la révolution des Marabouts, basé sur le mérite et l’apprentissage des sciences islamiques, ce groupe social est avec le temps également devenu un groupe statutaire fermé et héréditaire qui se transmet de père en fils. Les Tooroɓɓe enseignent l’islam aux enfants, le Coran, à lire et à écrire mais également aux adultes. Ils traduisent et commentent les versets du Coran et les hadiths (paroles prophètiques) en pulaar et dirigent la prière le vendredi et celle des fêtes de l’Aïd. Pour Cheikh Moussa Kamara, “l’activité spécifique des Tooroɓɓe [qui définit le groupe] est la science et la religion (al-‘ilm wa al-dīn)“
Les djihads d’El Hadj Oumar Tall au 19ème siècle en Afrique occidentale vont pousser certains groupes Tooroɓɓe à s’installer dans différentes régions, notamment les régions de Kayes et du Macina dans l’actuel Mali, dans la région de Dingiraye en périphérie du Fouta Djallon en actuelle Guinée mais également dans certaines régions du Niger et du Nigéria en pays haoussa et en pays peul.
SEƁƁE (sing. Ceɗɗo): Selon Cheikh Moussa Kamara : « le Ceɗɗo du Fuuta Tooro est un individu noir, non pullo mais parlant pulaar ». Le terme pulaar « ceɗɗo » est originellement utilisé pour désigner l’étranger, il sert à désigner les Soninké chez les Peuls du Guidimakha ou les Malinkés chez les Peuls du Fouta Djallon. Au Fuuta Tooro ils représentent la caste des praticiens des métiers de la guerre, ils sont d’ascendance diverse (Wolofs, Peuls, Soninkés, Malinkés) mais seraient principalement d’ascendance wolof au vu de leurs noms patronymiques et descendraient des farba mis en place par les burba lors de la domination du Djolof sur le Fouta (sous le Bourba Cukuli Njiklan entre 1450 et 1500). Certains Seɓɓe ont néanmoins une probable origine soninké par le Wagadou (Ghana) d’où le terme « ceɗɗo mbeñu ghana », et d’autres sont d’origine peule, anciens partisans de la famille de Koli Tenguella. Traditionnellement, ils sont élevés dès le plus jeune âge dans les arts de la guerre.
Ils sont subdivisés en différents clans dont les chefs détiennent chacun un tam-tam de guerre avec lesquels ils prêtent serment les veilles de bataille dans des chants que l’on nomme « daaɗe ƴiiƴam » (“Les voix du sang”).
Les griots encouragent les seɓɓe par leurs compositions musicales et poétiques, ils rappellent leur bravoure au retour des combats. Le chant guerrier le plus connu est le « Yela », il econstitue le style musical le plus populaire au Fouta et repris par bon nombres d’artistes comme Baaba Maal ou Farba Sally Seck.
SUBALƁE (sing. Cuballo): Selon Cheikh Moussa Kamara il est: « un individu Noir, non peul, mais parlant la langue pulaar, de religion musulmane et pratiquant comme métier la pêche et l’agriculture ». Les guerriers et le pêcheurs sont proches et les alliances maritales fréquentes entre ces deux groupes. Ce groupe est également issu de gens d’origine diverses selon les migrations et métissages. Ils seraient néanmoins en majeure partie descendants d’anciennes communautés serères et wolofs. Ils portent souvent des patronymes typiquement sereres tels que : Sarr, Thioub, Faye ou Diop. Ils habitent en bordure du fleuve (dannde maayo) où ils pratiquent leur activité professionnelle, véritable maîtres des eaux, leur activité et leurs pirogues sont indispensables à tous.
JAAWANƁE (sing. Jawaanɗo): Les Jaawanɓe sont une caste hétérogène au niveau des origines (bien qu’une partie soit d’origine peule), très endogames et assez limitée en nombre. Le Jawaanɗo est un négociateur, médiateur & courtisan à la cour royale, reconnu pour ses qualités oratoires et son intelligence il intercède auprès des rois pour demandeur des faveurs mais également transmettre les demandes de la collectivité et conseiller la classe dirigeante. Les patronymes Jawaanɓe au Fuuta Tooro sont au nombre de dix : Bassoum, Bocoum, Daff, Kaam, Lah, Ndiade, Ndjim, Niane, Saam, Thiene. Au Macina (centre du Mali) ils sont souvent associés aux Peuls on parle par de « Fulɓe Jawaanɓe »
Ces cinq castes constituent la noblesse du Fuuta Tooro, les mariages entre elles sont fréquents et tous bénéficient de certains privilèges dus à leur statut social. La deuxième groupe de la société Foutanké est celui des Artisans ou Ñeeñbe. Les Ñeeñbe au Fuuta Tooro peuvent être assimilés à la caste des Nyamakala dans la région du Fouta Djallon. Ce terme désigne l’ensemble des artisans et travailleurs manuels spécialisés dans la transformation des matières premières (bois, métaux, peaux..).
Selon Yaya Wane les Ñeeñɓe peuvent être divisé en deux catégories : ceux caractérisés par la spécialisation professionnelle (“fecciram golle“) et au sens plus large les divertisseurs et laudateurs (Nalaŋkooɓe) à savoir : musiciens, chanteurs, danseurs, poètes, historiens etc.
Pour simplifier, nous les diviserons en:
Maabuɓe : Tisserands
Wayilɓe: Forgerons
Sakkeɓe: Cordonniers / Savetiers
Lawɓe: Boiseliers / Menuisiers
Wammbaaɓe: Conteurs / Généalogiens
Awluɓe: Griots
MAABUƁE (sing. Maabo)
Les Tisserands du Fuuta Tooro sont un groupe d’origines diverses (wolofs, serrères, malinkés ou soninkés) même si la tradition orale attribue aux Malinkés la tradition du tissage et que la plupart de leurs patronymes ont une consonnance mandingue. Les tisserands s’occupent à l’origine exclusivement de tisser les pagnes, vêtements, les voiles colorés des femmes et les gazes, quant à certaines de leurs femmes, elles étaient spécialisées dans la poterie.
Avec le contact avec l’aristocratie et les débuts la mondialisation qui a conduit à l’importation d’étoffes venus de l’étranger, un nombre important de Maabuɓe se sont spécialisés dans la généalogie des Fulɓe, des Jaawanɓe ou des Tooroɓɓe délaissant ainsi le métier de tisserands pour exercer celui de Griots*.
WAYILƁE (sing. Baylo)
Les Wayilɓe ou forgerons sont les artisans des métaux, leur activité est appelée « mbaylaandi » en pulaar. Ils sont comme les autres castes également d’origines ethniques diverses (Wolofs, Peuls, Soninkés ou Maures..) et pratiquent un corps de métier héréditaire. Ils se subdivisent en trois principaux groupes:
Les Haɓerɓe issus des familles Mbow, Diop, Thiam ou Sy qui revendiquent une origine maure voire orientale. Leur principal rôle est de fabriquer les accessoires pour la cavalerie (fers et chaines d’entraves, éperons, appliques de harnais, mors, pectoraux etc.). Ils fabriquent également les lances, sabres, poignards et autres matériaux de guerre, ce qui leur donne un statut supérieur aux autres groupes de forgerons.
Viennent ensuite les Wayilɓe Sayakooɓe, des bijoutiers qui travaillent l’or, l’argent, le cuivre et le laiton pour fabriquer bracelets, anneaux de chevilles, anneaux d’orteil, chaines en argent, boucles d’oreilles etc. Ils sont sollicités par les riches et surtout les femmes qui portent leurs ornements dans les différentes cérémonies ou la vie de tous les jours.
Enfin, le troisième sous-groupe nommé Wayilɓe waleeri (métal noir) travaillent le fer et fabriquent les objets de consommation courante tels que : houes, haches, coupe-coupe, couteaux, poignards, harpons, hameçons etc. Des superstitions ont longtemps accompagné le statut de forgeron dans les croyances populaires, leur maîtrise des secrets du fer et du feu ont fait croire qu’ils étaient des jeteurs de mauvais sort pour nuire à leur ennemis. Ils cohabitent néanmoins avec les autres, non sans parfois subir certaines critiques.
SAKKEEƁE (sing. Sakke): Les Sakkeeɓe du Fuuta Tooro sont également une caste aux origines diverses (Wolofs, Soninkés, Peuls..). Ils représentent le corps de métier des tanneurs, cordonniers, bourreliers et travailleurs du cuir fabriquant sandales, chaussures, sacs de voyages ou gourdes pour le lait.
L’Histoire montre qu’il a existé une passerelle entre ce groupe et celui des forgerons (Wayilɓe) par l’intermédiaire des Sakkeeɓe Aalawɓe de patronymes Mbow et Thiam. Selon Cheikh Moussa Kamara ces deux familles étaient à la base des forgerons qui pour des raisons diverses ont suivi le statut de leurs mères. Le contact des Sakkeeɓe avec les Fulɓe est très ancien et historique. Les mariages entre les cordonniers et les tisserands sont également assez fréquents.
LAWƁE (sing. Labbo): Les Lawɓe s’occupent de la transformation du bois, ils fabriquent entre autres canots, gamelles, mortiers, pillons etc. Ils sont également d’origines ethniques diverses, certains sont d’origine soninké de patronymes : Bathily, Kebe, ou Tounkara. D’autres sont d’origine peule avec comme patronymes : Sow, Ndioum, Tall, Dia, Ba.. ou d’origine wolof avec comme patronymes : Niang, Diop, Wade.. Les Lawɓe peuvent être divisés en deux catégories :
Les Lawɓe Laaɗe (sing. Labbo Laana) et les Lawɓe Worworɓe (sing. Labbo gorworo).Les premiers ont préséance sur les seconds par leur activité. Le Labbo Laana fabrique les pirogues et prétend que la Labbo gorworo, qui fabrique les objets de bois courant était à l’origine son esclave. Les Lawɓe laaɗe sont sédentaires et habitent au bord du Fleuve à proximité des pêcheurs (Subalɓe), et cotoient également les guerriers (Seɓɓe) tandis que les worworɓe, nomades, sont plus en relation avec les Fulɓe Jeeri (Peuls transhumants) dont ils suivent les migrations. Ils fabriquent mortiers et pillons qui servent à séparer le mil et le son mais également des louches, des cuillères en bois, des manches pour les haches ou les houes etc.
Les Lawɓe de patronymes Sow, Gajaaga, Ndioum et Wele sont considérés comme les Lawɓe ayant la même origine que les Fulɓe et les Wammbaaɓe*. Leur parenté résulte de l’histoire connue au Fuuta sous le nom de : « Dicko Labbo, Sammba Pullo, Demmba Bammbaaɗo » (selon les versions). Dicko, Sammba et Demmba auraient été trois frères Peuls éleveurs que la spécialisation professionnelle aurait séparés. Les Lawɓe nomades étaient également réputés grands chasseurs d’éléphants et seraient à l’origine de la disparition de ceux-ci de cette région.
WAMMBAAƁE (sing. Bammbaaɗo): Les Wammbaaɓe, comme les Lawɓe sont attachés de manière exclusive aux Fulɓe. Ils sont leurs musiciens, guitaristes et généalogistes. Dans les villes sédentaires ils sont toujours installés auprès des Fulɓe Saare (Peuls sédentaires/des villes). Des villes, ils se déplacent en caravane pour rendre visite aux Fulɓe Jeeri (Peuls transhumants) peu importe où ils se trouvent en brousse. Ces derniers leurs accordent l’hospitalité et leur donnent des cadeaux importants. La spécialité du Bammbaaɗo est d’apprendre la généalogie des clans peuls (Ururɓe, Woɗaaɓe, Yaalalɓe, Ferooɓe etc.) ils sont spécialisés chacun dans la généalogie des clans et de la préservation des lignages.
AWLUƁE (sing.Gawlo): Les Griots sont des musiciens chanteurs, généalogistes et compagnons de tous les jours. En temps de guerre ils encouragent les Guerriers (Seɓɓe) aux rythmes des tambours en chantant le chant le “Yela”, célèbre chant de guerre fuutaanke. En temps de paix ils sont conservateurs de la tradition généalogique de chaque membre du groupe, ils font l’éloge des ancêtres de chacun et rappellent leurs exploits. Les griots s’attachent généralement à une famille ou à un chef de clan il apprend les tables généalogiques et les conserve, il est le préservateur de l’histoire de chacun.
Lors des cérémonies il chante en l’honneur des hôtes en échange de redevances. Tout personnage historique avait à son service son griot attitré. Dans la vie de tous les jours ils égayent les gens dans les réjouissance publiques ou privées dans la famille, les mariages, les baptêmes, la circoncision des garçons, les séances de lutte mais également les fêtes religieuses.
Bien qu’ayant les moyens de s’habiller richement et gagnant bien leur vie ils restent dans une position inférieure et ne peuvent se marier qu’à l’intérieur de leur groupe, cependant il n’existe au Fouta, à l’encontre des griots, aucune discrimination, dans l’habitat, ni dans la sépulture.
Les groupes socio-professionnels des nobles ou des artisans ont en commun le fait d’être considérés comme des hommes libres et de jouir d’une autonomie sur tous les points. Le troisième groupe qui constitue la société foutanké est celui des serviles. Il semble en premier lieu nécessaire de préciser que ce statut a connu une évolution non-négligeable au fil du temps, bien que l’on continue de désigner une personne “servile” de manière statutaire et que de nombreux réflexes féodaux persistent.
JIYAAƁE (sing. Jiyaaɗo) ou MACCUƁE (sing. Maccuɗo) : Les Captifs
Les captifs du Fuuta Tooro constituent un groupe dont le statut est définit par l’absence de liberté. Ils sont appelés « Jiyaaɓe » (« ceux qui sont asservis ») et sont considérés comme des biens meubles. L’esclave mâle est appelé Maccuɗo tandis que la femme servile est nommée Korɗo. Dans la société fuutaanke, les esclaves peuvent exercer n’importe quel métier selon la volonté du maitre sans pour autant changer de statut.
Dans la moyenne vallée du fleuve Sénégal nous pouvons distinguer historiquement deux types d’esclavages : celui de transit, qui consistait à razzier puis revendre les esclaves aux nations étrangères, et l’esclavage local ou domestique d’esclaves achetés ou reçus en tribut par d’autres royaumes. Dans sa Muqqaddima Ibn Khaldoun reprend d’Al-Idrisi dans ces termes : « les gens du Takrur et du Ghana razzient et font des captifs qu’ils vendent aux commerçants. Ceux-ci les transportent au Maghrib, où ils forment la masse des esclaves. »
L’esclavage au Fuuta Tooro a pris une dynamique différente lors de la domination de la dynastie Deniyanké depuis l’accession au pouvoir de Koli Tenguella et la vassalisation de plusieurs royaumes de la sous-région à partir de la seconde moitié du 16e siècle.
Le Fouta Deniyanké qui dominait à l’époque la rive droite jusqu’aux frontières du Tagant, recevait le aussi bien le tribut de certaines tribus maures de la région que celui des États voisins de Sénégambie. Ainsi, le Fuuta ne faisait esclaves que les étrangers issus d’autres nations d’où l’hypothèse de l’origine linguistique de « maccuɗo » qui serait dérivé de « majjuɗo » (« le perdu »).
Ces captifs venus de l’étranger étaient généralement donnés en tribut par les royaumes vassaux du Fouta ou vendus par l’intermédiaire des marchands du Gunjuru, du Gajaaga et d’autres royaumes de la sous-région. Les Fulɓe ne se font traditionnellement pas esclaves entre eux mais achètent les captifs issus d’autres peuples sur les marchés et les utilisent pour garder leur bétail.
La seule occasion qui permettait au Jiyaaɗo d’accéder à la liberté est d’apprendre le Coran et de le mémoriser dans sa totalité, ce qui est néanmoins très rare car beaucoup de maitres refusaient volontairement de les instruire et de leur faire fréquenter les madrassas.
Si certains captifs ont pu acceder à la liberté suite à la révolution Tooroɗo de 1776 qui avait pour ambition de mettre tout les croyants sur un pied d’égalité, le Fouta n’a pas pour autant cessé de s’approvisionner en esclaves chez les populations non-musulmanes de la région et d’échanger avec le comptoir de Saint-Louis. Toutes les sources historiques laissent ressortir l’idée que l’interdiction de la traite au Fouta par l’almamy Abdulqadir Kane ne concernait que celle des esclaves musulmans.
Ces esclaves habitaient traditionnellement les « wurooji » ou « ruunde » au Fouta Jallon, des habitations en dehors des villes proches à proximité des enclos à bétail. Les esclaves travaillaient ainsi sur la propriété de leurs maitres, gardaient les troupeaux, réparaient les toits des cases et étaient très attachés aux familles maitresses, la situation de ce captifs domestiques était vue meilleure en comparaison à celle des captifs capturés lors des guerres ou batailles. Certains de ces esclaves domestiques travaillaient également pour leur propre compte, et avaient le droit de posséder une parcelle pour cultiver, en alternant le travail dans leurs propres champs et dans ceux de leurs maitres.
La pénétration coloniale européenne à la fin toute fin du 19ème vient mettre fin officiellement à la pratique l’esclavage dans la région. Le Maccuɗo de ce jour n’est plus soumis à toutes les volontés du maitre. Cependant, des rapports de dépendance peuvent exister entre les personnes de statut servile et leurs familles maitresses, en milieu rural mais aussi en milieu urbain. Le Maccuɗo pourra être appelé pour exercer des services pour ses anciens maitres en ayant une rémunération symbolique (en nourriture, en tissu, et parfois en argent). Il est généralement celui qui, traditionnellement, s’occupe des taches et corvées ménagères dans les cérémonies ou les fêtes. Il est par exemple fréquent que le captif sacrifie une bête pour une famille et reparte avec une partie de la viande.
Malgré l’évolution du statut de Maccuɗo avec le temps, les séquelles de l’esclavage se font sentir, et l’ancien esclave même affranchi est marginalisé, que ce soit dans les unions maritales, ou dans l’ascension sociale comme l’accès à un poste important. Les Maccuɓe en milieu rural sont généralement encore à proximité de leurs « maitres » et certains cultivent encore sur leurs terres sans réelle rémunération, ce qui pourrait s’apparenter à de l’esclavage foncier ou du servage. En milieu urbain le captif va vivre une ville totalement normale mais dans sa contrée d’origine on ne manque pas de lui rappeller son statut d’esclave statutaire, peu importe sa richesse ou l’étendue de ses biens. Bien qu’on ne puisse pas à proprement dit, le forcer à travailler, le captif se retrouve souvent aliéné par son statut et la marginalisation qu’il subit nous laisse nous poser la question de l’étendue des séquelles du système esclavagiste dans la société du Fuuta Tooro.
Les 3 grands groupes statutaires du Fuuta Tooro se retrouvent à des degrés divers et sous différentes appellations, dans la majorité des sociétés sahéliennes. Tout comme celles du Fuuta Toro, ces hiérarchies statutaires subissent de profondes mutations et renégociations avec l’éducation universelle, les politiques de réformes agraires, la décentralisation et en général avec le jeu politique des États postcoloniaux. Ainsi, l’acte de décentralisation (acte II) de 2008 au Sénégal a amené à la création de multiples communes avec des compétences en matière de polique locale. L’élection des maires de ces communes au suffrage universel en 2009 a été l’occasion de luttes farouches pour le contrôle de la gouvernance locale, amenant parfois à des contestations sur des bases statutaires (groupes subalternes contres groupes nobles) à Mboumba, à Kanel et à Thilogne entre autres. Si beaucoup de ces élections ont connu une suite judiciaire, elles ont montré les limites des hiérarchies statutaires, ainsi que les changements induits par l’éducation, les opportunités économies, la décentralisation et la démocratisation.
Plutôt que d’exister depuis la « nuit des temps », cette stratification sociale est le résultat d’un processus historique marqué par des ruptures et des continuités, entrainant par moments la renégociation de ces relations statutaires comme au Fouladou sous Moussa Molo Baldé, voire la formation de nouveaux groupes comme celui des « Torooɓɓe » avec la révolution maraboutique de 1776. En effet au Fouladou, l’émancipation de la vassalité des Fulbe envers le Gaabu fut d’abord l’action des groupes subalternes et serviles, amenant un nouvel état de fait entre les dynamiques de ces groupes. Dans d’autres contrées où des révolutions de clercs musulmans ont eu lieu comme à Sokoto, il y’a eu un effort politique d’abolir cette stratification marquée par la spécialisation professionnelle et l’endogamie pour la fondre dans une identité islamique partagée. Cette volonté politique, à Sokoto contraste avec la neutralité du fondateur de la Dina, Sékou Ahmadou, sur l’abolition des Kinɗe (cf. Ahmadou Hampaté Ba et Jacques Daget. L’Empire peul du Macina) lorsque ce désir lui fut soumis par certains membres du Batu Mawdo du Macina, même si ce régime a été l’un des plus entreprenant au niveau politique et aussi au niveau économique.
Il est difficile de définir le futur de cette stratification mais il est évident que la spécialisation professionnelle qui était l’un de ces critères, n’est plus aussi pertinent qu’il ne l’était. Les sociétés évoluent, et leur organisation sociale avec. L’importance de cette stratification reste contextuelle mais il est difficile de prévoir ce qu’il en sera, dans le futur.
Sources:
[1] La première hégémonie peule, Oumar Kane, 2004
[2] Les Toucouleurs du Fouta Tooro, Yaya Wane, 1969
Cet article a été originellement publié le 6 octobre 2019
Tékrour, Peuls, Fouta, Toucouleurs, Haal-Pulaar, Foutankoobe. Ces termes utilisés souvent de manière interchangeable pour parler de la vallée du fleuve Sénégal et de ses habitants, désignent des choses différentes et sont l’héritage de différentes perspectives pour parler de cette région.
Tékrour était le nom de la capitale de l’État, également connu sous le même nom, qui a prospéré sur le bas fleuve Sénégal pendant autour de l’an 1000. Il est important de noter que le terme “Tekrour” nous vient des lettrés arabes; on ne sait pas par quel nom les habitants de cette ville et de royaume s’appelaient eux-mêmes. C’est à partir du nom de cette capitale que les écrivains médiévaux ont désigné le nom du royaume. Ce procédé est par ailleurs récurrent chez ces auteurs; dans les écrits d’al-Bakri, de Mahmud Kati ou d’Abderrahmane es-Saadi, Ghana [Koumbi Saleh], Gao ou Mali servent autant à désigner les royaumes en question, que les capitales où résident leurs souverains.
À partir de « Tekrour » est établi le démonyme « Tekrouri » pour désigner les habitants de ce royaume. Ce terme serait encore utilisé par les Maures et les Arabes de la rive nord du Sénégal selon Umar al-Naqar, alors que les Wolofs désignent les habitants de cette région comme “Tukulor”. Ce terme « Tukulor » a été transcrit par Ca da Mosto, le navigateur portugais sous la graphie de « Tuchusor » alors que « Tucuroes » apparait chez d’autres de ses compatriotes qui ont visité ce qui forme aujourd’hui le Sénégal. Le terme “Toucouleur” adopté par l’administration coloniale française résulte également de ce processus.
La notion de Tekrour est cependant différente au Moyen-Orient où al-Takrur, c’est-à-dire ahl al-takrur ou le Takarir, a acquis un sens générique englobant tous les habitants musulmans de l’Afrique de l’Ouest.
Pour Umar al-Naqar, l’origine du nom doit être recherchée dans la patrie des Takarir (Toucouleur) dans le Fouta Toro, où des écrivains arabes du Moyen-âge avaient parlé d’un État musulman organisé dès le XIe siècle. .Al-Bakri, écrivant dans la seconde moitié de ce siècle, donne le récit suivant :
Après Sanghana, entre l’ouest et la Qibla [au sud] se trouve la ville de Takrur [qui] est habitée par des noirs [Sūdan]. Ils étaient, comme tous les autres Soudanais, des païens vénérant Dakakir; le Dukur était leur idole, jusqu’au règne de War Jabi ibn Rabis, devenu musulman, qui y a instauré les lois de l’islam, les forçant à lui obéir et à les orner de leurs yeux. Il est décédé en l’an 432 [qui correspond à l’an 1040 du calendrier grégorien]. Aujourd’hui, les habitants de Takrur sont musulmans. Vous allez de Takrur à la ville de Silla; elle [Sila] est constituée de deux villes sur la rive du Nil [fleuve Sénégal]. Ses habitants sont aussi des musulmans, islamisés par War Diabi – Que la Miséricorde de Dieu soit sur lui. Entre Silla et la ville du Ghana [Koumbi Saleh?] se déroule une marche de 20 jours dans un pays peuplé de tribus soudanaises. Le roi de Silla attaque les mécréants qui ne sont qu’à un jour de marche de lui; ce sont les habitants de la ville de Galanbu [Galam?]. Son pays est immense, bien peuplé et à peu près égal à celui du roi du Ghana.
Il y’a très peu d’informations sur l’idole Dakakir ou Dukur. Sanghana est hypothétiquement assimilé aux royaumes du Waalo et du Kajoor par Jean-Louis Triaud. Il faut noter aussi que les géographes médiévaux arabes assimilaient au Nil, le fleuve Sénégal qui dans leur compréhension, était aussi connecté au fleuve Niger. Au-delà de Ghana qui correspond à Koumbi-Saleh [en Mauritanie actuelle], il est très difficile de localiser les différents sites mentionnés par al-Bakri. Ce qui est clair dans ce récit est qu’au début du onzième siècle, le Takrur était devenu le premier royaume avec un souverain noir musulman dans cette région.
Si l’islamisation du Sahel est souvent associée au mouvement almoravide, Umar al-Naqar tout comme Michael Gomez spécifient que l’islamisation du Tékrour précédait les chevauchées d’Abdallah ibn Yasin, de Yahya ibn Ibrahim, et d’Abu Bakr ibn Umar.
L’inspirateur du mouvement almoravide Abdallah ibn Yasin (m.1059) n’a quitté son ribat que vers 1042 (selon al-Bakri, vers 440/1048). Cela aurait pu être le résultat de guerres précédentes, la tradition du jihad au Soudan n’ayant pas été initiée par les Almoravides. Cela aurait également pu être le résultat d’un contact pacifique, ce qui irait dans le sens où Ibn Yasin, consterné par la résistance des Berbères Sanhaja à ses réformes puritaines, se serait réfugié chez les Noirs « parmi qui l’Islam était déjà apparu ».
Al-Bakri mentionne en outre la conversion du roi de Silla suite aux campagnes du roi du Tekrour War Diabi. Ce roi serait également le premier souverain noir à mener une guerre sainte. Son fils Lebi aurait été assiégé avec Yahya ibn Umar (m.1048) durant la rébellion des tribus Godala, au cours de laquelle le chef almoravide a perdu la vie. Il a pu y avoir une alliance entre Takruri et Almoravides, ce qui peut aussi expliquer la présence de 4,000 soldats noirs avec Yusuf ibn Tashfin (1040-1094) lors de la bataille d’Al-Zallaqa en Espagne en 479 / 1087.
Takrur a survécu à War Diabi, à son fils Lebi et aux chevauchées vers le nord des Almoravides . Un autre géographe médiéval, Al-Idrisi (1100 – 1165), écrivant vers le milieu du XIIe siècle, nous donne une autre perspective sur le Tekrour. Il faut noter qu’al-Idrisi ne s’est sans doute jamais rendu dans ces pays et a pu se mélanger ou exagérer ses descriptions. Ses perspectives ont également pu lui être rapportées par des voyageurs qui ont visité ces contrées. Il nous dit:
Dans cette partie [le premier climat] se trouvent les villes d’Awlil, Sila, Takrur, Dao [Walata], Baris, Maura et toutes celles-ci sont originaires de Maghzarat al-Sudan … Il y’a une étape de l’île d’Awlil à la ville de Silla. La ville de Silla est située sur la rive gauche du Nil. C’est une ville peuplée dans laquelle les Noirs se réunissent. Son commerce est rentable et son peuple chevaleresque. Cela fait partie du domaine des Takruri qui est un puissant sultan qui a des esclaves et des armées; il est ferme, patient et réputé pour sa justice. Son pays est sûr et tranquille. Sa résidence, le pays dans lequel il réside, est la ville de Takrur. C’est au sud du Nil, à environ deux jours de marche de Silla, par terre et par eau. La ville de Takrur est plus grande que Silla. Il a plus de commerce et les marchands du Maghreb lointain voyagent avec de la laine, du cuivre et des perles. Ils en sortent avec de l’or et des esclaves. Des villes de Silla et Takrur à la ville de Sijilmasa, le voyage en caravane dure 40 jours … également de l’île d’Awlil à Sijilmasa, il y’a environ 40 jours de marche. La ville de Barisa est petite et n’a pas de murs; elle est comme un village peuplé. Il est habité par des commerçants itinérants qui sont des sujets des Takruri. Au sud de Barisa se trouve le pays de Lemlem.
Les récits des géographes arabes nous fournissent un aperçu de la situation politique et économique du Tékrour au 11e siècle mais relativement peu d’informations sur les us et coutumes de ses habitants. Il nous est impossible de savoir comment ceux que leurs voisins appellent « Takrouri » se percevaient et quels étaient leurs codes de référence.
Si l’appellation « Toucouleur » est circonscrite aux habitants de la vallée du fleuve Sénégal, le terme « takrūri » peut avoir un sens plus large selon les auteurs, englobant les entités musulmanes allant du fleuve Sénégal aux rives du lac Tchad, et même au-delà. C’est ce sens plus large qui apparait par exemple dans le Tarikh el-Fettach (ou Chronique du Chercheur pour server à l’histoire des villes, des armées et des principaux personnages du Tekrour) de Mahmoud Kati.
De nos jours les habitants du « Tekrour » d’al-Bakri et d’al-Idrissi, se définissent comme « Haalpulaar » qui veut dire « ceux qui parlent le pulaar » contraction du verbe « haalde » (parler) et du nom de la langue. Ce vocable reconnait implicitement les diverses origines de ses habitants même s’ils font partie d’un même groupe socioculturel. La société Haalpulaar ayant connu en son sein des populations d’origines diverses, résultat de siècles de cohabitations et de métissage, la distinction entre deux groupes d’ascendance s’est faite naturellement par les habitants. Les Haalpulaar/en sont issus de populations autochtones de la vallée du fleuve (Wolofs, Soninkés, Serrères…) assimilées au fil du temps à la population peule tandis qu’on nommera Pullo (pl.Fulɓe) une personne d’ascendance peule. A noter que dans le Fouta le terme Pullo désigne également un berger ou un pasteur. À cet égard, tous les habitants de cette société se désignent par Haalpulaar, expression similaire au terme « Foutanké » (« habitant du Fouta ») par lequel ils se définissent aussi.
L’origine du terme « Fouta » est intimement liée avec les débats sur les origines des Peuls, qui constituent la majorité de ses habitants. Il y’a ainsi plusieurs hypothèses selon Oumar Kane:
La première, qui tire son origine dans l’idéologie racialiste des premiers ethnologues coloniaux, fait dériver le « Fouta », ainsi que « Fulbe » du terme biblique Phut, Put et Pount, mentionné dans la table des Nations de la Genèse. Oumar Kane juge cette hypothèse vraisemblable à cause de l’alternance consonantique selon le nombre entre les lettres « p » et « f ». C’est le cas par exemple du terme « Pullo » (« Peul ») qui devient « Fulɓe » au pluriel.
Une autre hypothèse voudrait que « Fouta » soit un dérivé du terme maure « Aftout » dont le sens est inconnu. Étant donné que les Peuls ont précédé les Maures dans le Sahel, l’idée que le nom « Fouta » soit dérivé du maure parait incongrue.
Une dernière hypothèse avancée par Henri Gaden spécule que le terme « Fouta » désignerait à l’origine le pays situé au nord du Tagant et de l’Assaba, et qui est appelé par les Foutankoobe, « Jeeri Fouta ».
Entre toutes ces hypothèses, il est presqu’impossible de trancher. Mais toujours est-il que le terme « Fouta » désigne les pays où les Peuls constituent le groupe socioculturel dominant au niveau linguistique, culturel et politique. Ainsi Amadou Hampaté Bâ (1900-1990) fait la distinction entre trois « Fouta ».
Le Fouta Kiiɗndi qui correspond au Fouta-Toro et au Fouta du Sahel, encore appelé Fouta-Kingi (sans doute pendant une période donnée). Ce serait à partir du Fouta-Kingi, que les clans peuls se seraient disséminés dans la région. C’est au Fouta-Kingi où a régné pendant un temps le satigi des Peuls Yalalbe, Tengella Gedal Jaaye (m.1512) avant la destruction de son royaume par le Kouroumina-Fari, Omar Komjago.
Le Fouta-Keyri, ou le « nouveau Fouta », qui inclurait le Fouta-Jalon, le Maasina, le califat de Sokoto ainsi que les lamidats de l’Adamawa. Ce Fouta-Keyri est intimement lié aux mouvements musulmans menés par des clercs peuls à partir du 16e siècle et ayant abouti à la formation de théocraties musulmanes. Il est important de noter qu’à part le Fouta-Jalon, aucun de ces nouveaux états n’inclut le terme « Fouta » dans son nom. Le projet islamiste a ainsi pu dominer sur l’identité ethnique.
Enfin le Fouta-Jula qui correspond aux diasporas fulbe/haalpulaar dans tout le Sahel, et qui est consécutif à l’effondrement des États peuls face à la conquête coloniale. Pour Oumar Kane, il y’a une dimension économique et commerciale importante dans ces sites diasporiques.
Voilà pour les noms qui sont issus de processus et de perspectives historiques différentes pour désigner une même région et ses habitants. Si l’encre est sèche et que des pistes apparaissent, les mystères d’un monde passé demeurent entiers. L’un des objectifs de ce site sera d’appréhender ce qui peut l’être, et de faire remonter à la surface des perspectives qui peuvent nous enrichir. Ce site est donc un aluwal (une tablette) où des questions sont posées, et où le consensus des savants côtoiera la spéculation informée. C’est un lieu où la voix des gens d’un autre temps surgira de temps en temps à travers des documents écrits par leur main, mais aussi où chaque lecteur pourra apporter sa contribution pour une meilleure connaissance de notre monde. Ce site sera ce que vous voudriez bien en faire.
Sources bibliographiques:
Umar Al-Naqar. 1969. “Takrur the History of a Name”. The Journal of African History. 10 (3): 365–374
Bruno Chavanne. 1985. Villages de l’ancien Tekrour: recherches archéologiques dans la moyenne vallée du fleuve Sénégal (Paris: Karthala).
Oumar Kane. 2004. La première hégémonie peule : Le Fuuta Tooro de Koli Teηella à Almaami Abdul (Paris : Karthala)
Michael A. Gomez. 2018. African Dominion:A New History of Empire in Early and Medieval West Africa (Princeton: Princeton University Press)