So aɗa namnɗo, namnɗo gannɗo. So a wuuri, namnɗo. So a namndiima, majjata

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Mademba Seye, une figure interstitielle

La figure de Mademba Seye/Sy, officier télégraphiste à la base, et qui deviendra « Faama de Sansanding » dans la Boucle du Niger illustre bien les fortunes de l’aventure coloniale. Bien que fort présent dans les mémoires et dans les récits, Mademba Sy demeure un personnage élusif; son nom de famille reste un mystère, oscillant entre le « Seye » et le « Sy » au fil de sa carrière. Bien que télégraphiste, il était dans les faits « beaucoup plus que ça », servant d’interprète, d’agent politique et de renseignements et de conseillers aux différents officiers « soudanais » dans les années 1880 à 1890, et de passerelle envers les Français pour les acteurs locaux.

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Le rôle de Mademba dans les succès des officiers français est souvent sous-évalué: c’est lui qui contracte au nom de ses supérieurs les alliances locales qui vont servir de fer de lance à la conquête militaire, apaise les incertitudes et présente les bénéfices à tirer d’une alliance avec la France. Mademba Sy et ses descendants ont fait carrière en servant l’autorité française comme beaucoup d’autres mais ce billet s’intéresse à une facette [encore] plus sinistre du personnage; à savoir son rapport brutal avec les femmes. Au fil des défaites des rois et autorités africaines, face aux français, il était régulier pour les officiers coloniaux ainsi que leurs auxiliaires africains de prendre comme butin, les biens et les familles des acteurs vaincus. C’est ainsi que Mariam Aidara, l’une des épouses de Mamadou Lamine Dramé, marabout résistant de Goundiourou, fut « donnée » à Mademba Sy, par Galliéni, suite à une défaite de son époux.

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Galliéni décrit ainsi une scène de partage de butin [des femmes ici] dans ses « Deux campagnes au Soudan français »

 Je ne savais trop que faire des dix-sept femmes qu’il m’avait amenées! Je leur fis demander, par Alassane[Alassane Dia, interprète de Galliéni], si elles ne voudraient pas se marier avec mes tirailleurs. On sait avec quelle facilité les femmes indigènes, en Sénégambie, changent de maître. Celles-ci provenaient de tous les points du Soudan; elles avaient été données au marabout à son arrivée dans le pays’. Que leur importait de changer d’esclavage1 Elles avaient une peur épouvantable des blancs et elles ne purent tout d’abord s’ima­giner, après la réputation que l’on ·nous avait faite, qu’il leur serait fait un sort aussi doux. Nos noirs du Sénégal aiment le su_ccès. Les femn1es n’échappent pas à cette règle, et, au fond, nos prisonnières, étaient peut­être très satisfaites de passer entre les n1ains de soldats aussi braves. Je les fis donc ranger sur une ligne, et l’on me désigna, dans la colonne, les dix-sept tirailleurs qui s’ étaient le plus distingués dans les dernières affaires. Le n° 1, appelé, fit son choix, puis; le n° 2, et ainsi de suite, jusqu’au der­nier tirailleur. Il ne restait plus alors qu’une seule femme, et, naturellement, les premiers désignés avaient laissé la plus vieille et la plus laide. Aussi est-ce au milieu des rires et de la joie de tout le camp, rassemblé pour jouir de ce spectacle, que le dernier numéro, un beau et robuste Bam­bara, prit possession de son épouse. Lui-même ne semblaitpas très satisfait, mais que faire? Il n’y avait plus de choix. Du reste, le ménage ne fut pas heureux, et je me rappelle que, deux ou trois mois après, à mon passage à Médine, où ce tirailleur avait été envoyé en garnison, il vint me demander à être séparé de sa femme, qui lui rendait la vie com1nune peu agréable. Naturellement j’accueillis sa demande. »

Cet extrait montre bien l’idée que se faisait Galliéni du mariage en Sénégambie, assimilé à l’esclavage, et du sort de la femme, déshumanisée à un tel point où il caractérise de « doux traitement » leur partage avec des tirailleurs qui ont sans doute tué leurs époux.

En 1899, le gouverneur-général de l’Afrique Occidentale française Louis Chaudié reçoit deux lettres d’Abdoul-Rachid Dramé, commis des PTT, qui dénonce le sort réservé à sa mère et à ses soeurs, « donné à Mademba Sy, après la mort de son père.

Abdoul Rachid et son frère Mahdi avaient été envoyés à l’école des otages de Kayes après la mort de leur père, Mamadou Lamine Dramé, lors du combat de Ngoga-Soukouta.

Quelques temps après leur entrée de l’école, un capitaine de l’expédition pour “discipliner” l’un des fils de Mamadou Lamine Drame, lui montre la tête decapitee se son pere. Ce qui suscite un scandale très vite tassé.
Douze ans plus tard, Abdoul Drame qui, ironie du sort, était devenu agent des PTT comme Mademba, visite Sansanding pour voir sa mère, qui est devenue “épouse” de Mademba Sy et ses sœurs. Choqué par leur sort et le refus de Mademba de les laisser partir avec lui. Ce que ce dernier refuse, exhortant à Abdoul la « patience » et alléguant que les troubles dans le pays rendaient peu sûrs le départ de Mariam Aidara et de sa fille Madina.
De retour à Saint-Louis, Abdoul écrit deux lettres au gouverneur général de l’AOF Louis Chaudié, pour dénoncer le traitement de sa mère et de ses sœurs et demander leur libération du tata de Sansanding où les femmes entrent dans jamais en sortir.
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Abdoul dénonce les

“les actes à la fois arbitraires et tyranniques de M. Mademba, fama de Sansanding. Devenu fama, il commença à traiter tout le monde en esclaves, soumettant quotidiennement les 400 à 500 femmes emprisonnées dans le palais à des horreurs et à des actes monstrueux.

« [Il] a attaqué mes sœurs qui étaient avec ma mère dans le tata et dont il voulait absolument faire ses femmes, ce qui était non seulement barbare, mais considéré comme immoral même au Soudan. Les pauvres femmes du tata sont soumises à un traitement incroyablement [mauvais]. [Mademba] leur administre quotidiennement deux, voire trois cents coups de fouet en cuir brut par ses hommes.
Un an avant Abdoul-Rachid, un autre « otage », Abdoulaye, fils du roi de Ségou, Ahmad al-Madani Tall, dénonçait déjà les sévices de Mademba, dans une lettre à Archinard. Abdoulaye avait été amené en France par Archinard après la prise de la ville de Ségou en 1890 où il fut confié à la famille Brière de Sales et éduqué. C’était une décision d’Archinard, alors tout puissant haut-commandant, qui n’obéissait à aucune procédure administrative. Dans sa dernière lettre à Archinard en 1898, Abdoulaye écrivait:

“J’ai pris à dessein Mademba pour exemple, car moi-même j’ai à me plaindre de lui ; une de mes sœurs, Diaïnabou Oumou, est chez lui ; il ne se gêne nullement pour l’insulter, la frapper et même la mettre aux fers.

Certes, je n’en veux pas à Mademba, je l’excuse même car je comprends qu’il fasse subir à la fille ce qu’il ne peut faire au père : ceci est le fait des lâcheries, des âmes véritablement basses. Qu’il doit être heureux, cet homme qui, sorti de la lie de cette population de Saint-Louis, est monté à un pouvoir qu’il n’aurait osé espérer ! Quelle gloire pour lui que d’avoir dans son infâme sérail une petite-fille d’El Hadj Omar!”
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Suite aux lettres insistantes de Abdoul-Rachid Dramé, le gouverneur-général demanda des éclaircissements au lieutenant-gouverneur du Soudan français, Edgar de Trentinian, qui fit diligenter une enquête par le capitaine Lambert.
Le capitaine Lambert, appartenait à l’artillerie, et non à l’infanterie de marine, corps qui avait été le fer de lance de la “pacification”. Il était moins impliqué dans les réseaux de solidarité et d’omerta unissant les officiers de la pacification et leurs auxiliaires africains.

De plus, son interprète et conseiller Thierno Hamedine, était un cadi de Segou. Farouchement opposé à Mademba Sy. Thierno Hamedine avait réussi à faire venir plusieurs témoins de Sansanding pour être auditionnés par le capitaine Lambert

“Auparavant, avant la visite de mon fils à Sansanding, j’étais souvent battue comme toutes les femmes du fama. De sa propre main, je recevais presque quotidiennement 10 à 20 coups de fouet.
Juste avant l’arrivée de mon fils et sous prétexte que des hommes étaient venus me voir, ce qui était faux et ce qui était impossible, sur son ordre, j’ai reçu 300 coups de fouet par Kanouba Diarra, qui est toujours chargé de cette tâche.
Après le départ de mon fils, j’ai été battue encore plus durement. Il y a environ deux mois, après avoir reçu une autre lettre de mon fils, le Fama m’a fait venir avec ma petite fille et devant ses hommes, il m’a chassée de sa maison. [Il] a gardé ma petite fille qui avait 13 ans et qui s’appelle Issa, qui m’avait été donnée par Baya Ba, femme d’al hajj Bougouni Ba de Nampala [ Ardo des Peuls Wuwarbe de Nampala qui avait résisté à la pacification de Archinard et de Mademba en 1893]. Il y a environ 14 mois, il [Mademba] a pris ma petite fille de force et en a fait sa femme.”
Le témoigange de Madina Dramé, fille de Mariam Haidara, fut encore plus accablant:
« Il y a environ quatre ans, le Fama m’a appelé et m’a ordonné de coucher avec lui. J’ai refusé, alors il a ordonné que je reçoive 100 coups de fouet et m’a ensuite prise de force… Malgré ses promesses de cadeaux, je ne souhaitais pas rester sa femme, mais j’y ai été contrainte car il a menacé ma mère de mille coups de fouet si je le rejetais. Si toutes les femmes emprisonnées dans le tata venaient ici, elles vous diraient toutes combien elles sont malheureuses »
Mademba Sy fut suspendu durant l’enquête. Il fut assigné à résidence à Kayes et plusieurs gens de Sansanding l’accablerent devant Lambert pour sa cruauté et ses sévices
Mais elle n’aboutit à rien. Lorsque Trentinian quitta son poste de gouverneur du Soudan en 1901, il fut remplacé par William Ponty, ancien aide d’Archinard et membre de son cabinet politique/renseignements avec Mademba durant la pacification. Mariam Haidara et Madina Drame furent libérées du tata mais beaucoup des femmes y restèrent. Lambert fut accusé d’être manipulé par Thierno Hamedine, un ennemi de Mademba, accusé d’être hostile à l’influence française
 
 
 
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