Radi Ousmane et Demba Alarba: une vendetta meurtrière?

Le 25 mars 1897 à Balel, un village de Fulbe Njaakirnaabe dans le Boosoya, une vingtaine de guerriers maures, appartenant à la tribu des Shrattit, sont fusillés à mort. Six d’entre eux meurent, les autres, blessés ou étonnés, réusssisent à s’enfuir. Parmi les victimes mortelles, figurait Radi Ethmane, un Maure Shrattit, « agent politique » de l’entreprise coloniale dans la vallée du fleuve et dans le nord du Fuuta Tooro (rive mauritanienne). Les auteurs de ce coup de main sont désignés comme des Fulbe Njaakirnaabe et des Maures Ould Aydi. Ils sont identifiés aussi comme des partisans du jaggorgal Abdoul Bookar Kane, assassiné en aout 1891 par des guerriers Shrattit, tribu à laquelle appartiennent les victimes de Balel. S’agit-il d’une vendetta d’anciens partisans du jaggorgal? Radi Ethmane, l’agent politique était fortement impliqué dans la traque du jaggorgal et dans les tractations qui mèneront à sa mort.

Vers 1889, Rhadi Ousmane était le principal intermédiaire entre sa tribu [les Shrattit] et Saint-Louis, et effectuait souvent des missions secrètes d’espionnage contre ceux qui posaient obstacle à la colonisation.

En mars 1897, il fut victime d’une conjuration menée par Demba Alarba, un ancien lieutenant du jaggorgal Abdoul Bokar, qui posait beaucoup de problèmes aux chefs nommés par l’administration coloniale.

Demba Alarba fut condamné à mort pour ce « lâche attentat » mais cette sentence fut commuée en une déportation au bagne du Gabon.

Selon sa fiche de déportation ,

le 27 mars 1897, une troupe de 20 guerriers maures de la tribu des Chrattit, ayant à sa tête Rhadi Ousmane arrivait à Balel, village situé dans le cercle de Matam sur la rive gauche du Sénégal. Ils se présentèrent immédiatement au chef de camp peulh de cet endroit pour demander de l’hospitalité qui leur fut accordée par les neveux du chef, en l’absence de celui-ci, mais à la condition qu’ils déposeraient leurs armes dans uen case, ce à quoi les Maures consentirent.

Le lendemain à l’aube, les Chrattit sans défense étaient tranquillement assis sur des nattes, lorsqu’une fusillade très vive éclata de tous côtés. Rhadi Ousmane et cinq de ses compagnons tombèrent mortellement frappés ; le reste de la bande réussit à s’enfuir. Le « lâche attentat » avait été mené par des Oulad Aydi en connivence avec « certains indigènes de la région. Le plus compromis de tous les prévenus était un toucouleur nommé Demba Alarba, ennemi personnel de Rhadi Ousmane. Demba Alarba fut condamné à mort et envoyé au bagne du Gabon. Les autres inculpés payèrent le prix du sang [diyya] pour Rhadi Ousmane et les autres victimes.

Au Gabon, Demba Alarba fut impliqué dans des mutineries dans la colonie pénale, avec d’autres comme le Buurba Samba Laobé Ndiaye du Jolof et Mandoungou Mbodj du Walo.

Une autre victime de déportation célèbre, Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké, fut accusé d’être derrière ces troubles. iIl fut transporté, avec le Buurba Jolof Samba Laobé, dans la fameuse île de Wir-Wir, au large de Mayombé, pour l’isoler des autres détenus.

L’entreprise coloniale s’appuyait sur des « agents politiques », des intermédiaires qui, connaissant le pays, les moeurs et les dynamiques politiques, pouvaient « faciliter » le projet colonial. Rhadi Ousmane en fut un et fut décisif dans la mise en œuvre du blocus sur la rive droite, empêchant aux tribus maures tout accès au commerce fluvial. Blocus qui accélèrera l’assassinat du jaggorgal par les Shrattit en aout 1891. Ainsi, en juin 1891, le capitaine Plesbuy, commandant du cercle de Kaédi écrivait :

Reçu par l’intermédiaire du chef de poste de Matam une lettre de Râdi, Bidhane envoyé en mission par le directeur des Affaires politiques. Il se montre tout heureux des résultats obtenus [à propos du blocus sur la rive droite] et prétend que à bref délai, les Ahel Sidi Mahmoud vont nous rabattre Abdoul [Bokar] sur le fleuve. J’ai entendu parler par d’autres Bidhane de l’escale [Kaédi] d’une expédition de ce genre qui aurait été entreprise sous les auspices du commandant de Bakel. Peu de confiance dans le résultat final (…)  Mon avis est que toute tentative faite en s’appuyant sur les Bidhane seuls échouera. Il fallait complicité interne.

Le capitaine Plesbuy avait tort. Les résultats étaient probants deux mois après ces notes quand le jaggorgal fut assassiné par les Shrattit.

Après la mort du jaggorgal, Radi Ousmane était toujours actif pour traquer le Buurba Alboury, au compte des  troupes françaises

e 26 août, Râdi Ethman rentra à Kaédi après avoir effectué une mission confiée par l’administrateur Desbuisson pour s’enquérir des nouvelles de Al Buri. D’après le capitaine, Râdi lui avait confirmé la présence du burba et de quelques partisans du Fuuta et du Jolof auprès de Bakkar Ould Sweyd Ahmed [émir du Tagant].

A la fin du mois de novembre 1891, ils participaient à la bataille de Oued Segelli au cours de laquelle les troupes abâkak [de Bakar] furent battues par celles de l’Adrâr. Albouri quitta par la suite le Tagant pour rejoindre de nouveau Amadu Sayku [Tall].

 

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