Article originellement publié le 20 janvier 2022
Les origines
Koli Tengella (aussi orthographié Koli Teŋella) est un leader peul et un personnage mythique de l’histoire du Fouta Tooro, père de la dynastie deeniyanke et des satigi qui régneront deux siècles sur la moyenne vallée du Sénégal et au-delà. Bien qu’il soit connu de tous, il est difficile de séparer fables et faits historiques à son sujet. Son origine se confronte à différentes théories dont certaines sont rejetées aujourd’hui. Koli est présenté dans les traditions orales du Fouta Tooro comme le fils biologique de Sunjata Keita, fondateur mythique de l’empire du Mandé, son père Tenguella ne serait donc que son père nourricier. Sire Abbas Soh dans chroniques du Fouta sénégalais rapporte : “Ensuite arriva Koli, fils du roi du Manden Sundyata fils de Mohammadu fils de Kinana, d’origine himyarite, sa mère était Futa-Gay fille de Sigani Makam. Son ancêtre Kinana le Himyarite était parti de l’Orient et venu dans le pays du Manden, accompagné de vingt mille guerriers {…} se rendit maître du pays en question et y régna pendant quarante ans.” Ces affirmations sont cependant réfutées par des ouvrages tels que le Tarikh el-Fettach et le Tarikh al-Sudan et également des généalogiens comme Cheikh Moussa Kamara qui retrace les origines de Koli au sein de la fraction peule des Yaalalɓe, sous groupe des Uruurɓe (dont le yettoode est “Bah”) vivant à l’époque précédent la conquête du Fuuta par Koli dans le Jaara/Kingi (ouest du Mali actuel). Tout laisse à croire que les Deeniyankooɓe ont façonné de toutes pièces cette généalogie pour le prestige de Sunjata dans la région. Si l’on en croit les dates, Koli ne peut pas être le fils de Sunjata car plus de 2 siècles les séparent. Il est également mention d’une ascendance remontant à Bilal b. Rabah, compagnon abyssin du Prophète (psl) enterré à Damas dans le Levant, encore une fois c’est une invention généalogique imputée à Sunjata par les griots mandingues que Cheikh Moussa Kamara réfute et qui n’a aucune base historique. Oumar Kane déclare :”Il trouve absurde de faire de Koli le fils de Sunjata Keyta, car il y a au moins deux siècles et demi entre les deux personnages. Si son père était mandingue, ce serait chez les Malinke qu’il chercherait refuge en cas de difficultés. Il semble au contraire que Tenguella a combattu les Malinke et a été combattu par eux, parce que le royaume jaalaalo, en s’étendant vers le sud, s’est constitué à leur dépens. Koli, fils ainé de Tenguella, a reçu la mission de conquérir et d’organiser ce que Arcin (1911) appelle la confédération wassulunke. Koli est bien le fils de Tenguella, même si sa mère est paddo, c’est-à-dire non peule, donc wolof, soose, ou malinke. Même si sa mère n’est pas malinke, Koli avait fait ses premières armes en milieu malinke ; il a gouverné les Malinke du Bajar, du Kade et du Ngabu. En d’autres termes, Koli, fils de Tenguella, est un Jaalalo, comme le confirment l’Anonyme de 1600 ou Tarikh es-Sudan. Koli est donc le second roi des Fulos Galalhos ou Gagos, c’est-à-dire des Fulbe Yaalalbe”. Cheikh Moussa Kamara dans son Zuhur al-basatin en se basant sur tarikh al-Sudan s’exprime en ces termes au sujet de la généalogie des deeniyankooɓe :”Tenguella Gedal, le père de Koli, avait un frère qui s’appelait Maaliga Gedal, ancêtre des Yalalbe. Il était le père de Mori Maaliga qu’on appelait Mooli Maaliga, d’Aali Maaliga, de Sammba Maaliga, de Fodé Maaliga, de Pateeri Maaliga, de Debe Maaliga et de Cerno Maaliga. “…”Quand il dit dans Tarikh al-Sudan “Tenguella est le Silatigi des Yaalalbe et Niima Silatigi celui des Uururbe, etc.” cela montre que ce sont des Fullani (Peuls) d’origine et pas autre chose car ces clans, les Yaalalbe, les Uruurbe, les Feroobe et les Worlabe sont des clans peuls pour nous, et que Silatigi est le titre du chef de l’armée des Fullani nomades (badawiyyun) et pilleurs de bétails.”
Cet extrait nous montre bien la parenté entre Yaalalɓe et Deeniyankooɓe qui sont tous deux issus de la grande fraction des Uruurbe. La parenté entre Yaalalɓe et Deeniyankooɓe serait d’autant plus confortée par le fait que les deux revendiquent descendre du même ancêtre, Geɗal Deeny, père de Tenguella (père de Koli) et de Maaliga Geɗal. Les Deniyankooɓe seraient donc uniquement des Yaalalɓe ayant conservé le pouvoir politique pendant quasiment 250 ans. On dit que c’est lors du séjour à Deeni que cette fraction des Yaalalɓe prirent le nom de Deeniyankooɓe, une autre version lie tout simplement le nom Deeniyanke à Deeny, père de Geɗal. Les traditions sont nombreuses et se contredisent, mais les deux permettent d’affirmer sans nul doute que les Deeniyankooɓe et les Yaalalɓe sont liés par la parenté. Encore dans son Zuhur Cheikh Moussa Kamara rajoute : “Le patronyme des hommes adultes parmi les descendants de Sunjata est KEITA qui veut dire “celui qui a hérité” ou “celui qui a pris l’héritage”, c’est-à-dire “o ɓami ndonu” dans notre langue (pulaar). On dit aussi que Keita veut aussi dire le lion; et Allah est plus savant. Quant à celui des jeunes garçons, c’est Konaate qui veut dire aussi le lion ou Keita pour les chefs parmi eux plus particulièrement. {…} Quant à ceux qui sont au Fouta (les Deeniyanke) leur patronyme est BAH uniquement. Le Tarikh al-Sudan et le Tarikh al-Fettach ont démenti la prétention des Deniyankoobe à descendre de Sunjata et ont confirmé qu’il sont seulement des Peuls mais qu’ils aiment beaucoup se rattacher à Sunjata et un peu moins aux autres souverains.”
Fergo (exil) de Koli
Comme évoqué précédemment, Tenguella est le père biologique et nourricier de Koli et son histoire est intimement liée à leur relation de parenté, ils sont même souvent à tort confondus dans les récits. Traditionalistes et écrivains coloniaux ont tous deux évoqué la migration (fergo) de Tenguella et Koli et de leurs contingents. Selon Siré Abbas Soh auteur de chroniques du Fouta sénégalais Koli et son père aurait tout deux migrés ensemble et se seraient séparé à la confluence du Falémé, l’un allant vers le Fouta Tooro et l’autre vers le Kingi, ils auraient tout deux émigré depuis le Mandé selon cette même version. La version d’Arcin nous donne un peu plus de détails sur cette supposée migration de Koli, cette fois seul : “ce fut un fils de Teŋella Yaye qui paraît être venu de l’ouest du Wassolou qui sut grouper toutes les énergies mises en mouvement. Koli Tenŋella ou Tengrella était de cette famille des Bâ qui dominait au Ouassolou comme les Sankhare (Barry) vers le Fouta Dialo actuel et les Dialo dans le Nord.” Ici Koli est le seul à avoir migré depuis l’ouest du Ouassolou, donc la région occidentale du Mali actuel, Arcin ajoute plus loin : “Les Ouassoulounke étaient appelés par leurs frères de l’ouest, et c’est ce qui explique la marche de leur invasion. Koli Tenelé avait réussi à acquérir une solide armée à laquelle il a joint des auxilliaires pris parmi les primitifs du sud et notamment les Koniagui et Bassari…Il s’avança vers le Fouladou mais n’entre pas dans le Manding. Soutenu par tous les Soso de l’est répandus dans les vallées du Tinkisso et du Bafing, il entre dans le massif montagneux du Fouta-Dialo et s’établit à l’ouest dans le Kébou où il fonda sa capitale Gueme Sanga {…} il organisait un vaste royaume sur le plateau de Labé, soumettant les Baga et les Landouma ou s’alliant avec eux.”
Les détails donnés par Arcin nous indiquent une migration progressive de Koli depuis son lieu de départ, c’est-à-dire tantôt le Mande, tantôt le Ouassolou occidental vers le Fouta Djallon actuel passant par le Fouladou. Ce sont les traditions orales du Fouta Djallon qui évoquent cette migration et le passage de Koli dans la région, on affirme même que son tâtâ (forteresse) est encore présente dans la préfecture de Télimélé (Guinée).
Dans Les mémoires de Maalaŋ Galisa sur le royaume confédéré du Kaabu, il est dit au sujet de ces migrations peules : “Le premier grand mouvement peul daté selon les sources portugaises, est celui de Dulo Demba vers 1460. Venant du Sahel il aurait traversé le ‘passo dos Fulos’ sur le fleuve Gambie d’où il aurait atteint le pays biafada de Kinara et le fleuve Korubal. Dans l’ensemble, les mouvements de Teŋella et de son fils Koli Teŋella couvrent toute la région du Haut Sénégal, du Fuuta Tooro, du Bajar, du Tenda, du Ñaani et Wulli au nord du fleuve Gambie, du Kaabu jusqu’au Fuuta Jallon. Geme Sangan, sur le plateau du Labé, vers Télimélé, aurait été un point stratégique entre 1460 et 1474.”
Dans Figures peules, Sylvie Fanchette dit également à ce sujet : “A la fin du XVe siècle, des Peuls entrèrent en grand nombre dans les provinces septentrionales du Gabou et au Fouta Djallon où Koli Tenguella essaya de créer un royaume avec pour capitale Guémé Sangan, à la lisière du plateau. Au début du XVIe siècle, il traversa le Gabou pour conquérir de nouveaux espaces dans la région du Fouta Toro.”
Ces Fulɓe qui ont suivi Koli sont probablement à l’origine des premiers peuplement peuls du Fouta Djallon et ce que les Fulɓe islamisés nommeront plus tard les pulli. Tenguella, son père, est mentionné dans d’autres récits évoquant le Kingi comme lieu où il fut tué par l’empire Songhay pour s’être rebellé contre Gao. Le Tarikh el-fettach évoque cet épisode : “C’est en 918 (19mars 1512-8 mars 1513) que fut tué l’imposteur, c’est-à-dire Tenguella, qui prétendait être prophète et envoyé de Dieu (la malédiction divine soit sur lui!). C’est le kanfari (kurmina fari : gouverneur militaire de province et frère de l’askia Mohammed) Amar-Komdiago qui le tua, sans que l’askia lui eu eut donné l’ordre et sans que ce prince en ait eu connaissance, partant de Tendirma, Amar marcha contre Tenguella et Dieu lui accorda la victoire : étant donné que son adversaire avait des troupes plus nombreuses {…} le kanfari Amar ne put arriver à le vaincre que grâce à la protection divine. {…} Ce Tenguella était chef du Fouta appelé Fouta-Kingi, c’était un prince puissant, valeureux, brave, doué d’énergie et enclin à la révolte. Ayant quitté le royaume du Fouta, il était venu au Kingui, s’y était installé et s’y était fait proclamer roi.” Il est utile de préciser ici que bien que l’auteur affirme que Tenguella se déclarait prophète, il n’y a en réalité que très peu de chance que ce soit vrai. Il est dit que Tenguella aurait lui-même provoqué l’émigration de différents Fulɓe vers le Songhay et le Xaañaga. L’évocation du nom Fouta comme d’un royaume différent du Kingi, quant à elle, est quelque peu troublante et laisse planer le flou sur l’origine de Tenguella. Cheikh Moussa Kamara dans son Zuhur en commentant ce passage expliquera que le nom Fouta était donné pour toute région abritant des Fulɓe. Il est donc possible que Tenguella soit parti d’un lieu différent du Fouta Tooro actuel qui sera conquis par son fils pour s’installer dans le Kingi et démarrer sa révolte. Est-ce donc la mort de Tenguella qui a poussé Koli à l’exil? Encore une fois l’histoire nous donne peu de détails sur cela. On est certains en tout cas que Koli a migré avec d’autres fractions peules en nombre relativement important dont ses propres cousins Yaalalɓe, Cheikh Moussa Kamara nous informe dans son Zuhur al-Basatin :
“Parmi les fils de rois qui avaient migré avec Koli, il y avait Niima, Mori Maaliga, Aali Maaliga et Sama Maaliga, fils de Maaliga Gedal et parents de Koli, puisqu’il était le fils de Tenguella Gedal. Et Allah le Très-Haut est le plus savant. Avaient émigré aussi avec eux Jey Bolaaro “bolaaro” est le singulier de Wolarbe, Jey Jaalo Gaynaako Dimaadi (le berger de pur-sangs), Albagha ou Alfagha ou Aali Baka et enfin Soriyaa. Avait aussi émigré avec lui, Malal Sewdu chef des Mahinaabe dont l’origine est peut-être Makha KAMARA. Avait aussi émigré avec lui ‘Abbas Jambel chef des Soowonaabe. Plusieurs Fullani avaient aussi émigré avec lui mais je ne sais pas ce qu’étaient devenus la plupart d’entre eux. Ils avaient habité au Bajar pendant un certain temps, puis ils étaient partis au Fuuta (Tooro). Koli tua les rois de ces pays et s’empara de leurs royaumes.”
L’importance du commerce de l’or dans la région est aussi à lier avec la présence des Portugais qui bénéficient eux aussi de ce commerce qui traitaient notamment avec ce qu’il restait du Mande et de ses vassaux. Si l’on sait que Tenguella s’est attaqué au Mande entre 1481 et 1495, ce qui a provoqué l’intervention du roi du Portugal Dom Joao II. Il est également possible d’affirmer que les différentes conquêtes orchestrées par Koli ont également dérangé les Portugais dans le commerce de l’or avec les royaumes vassaux du Mandé et le Songhay. Oumar Kane émettre comme hypothèse à propos du mande mansa : “Il a, selon toute vraisemblance, en accord avec le Songhay et les Portugais, décidé de chasser Koli qui constitue un réel danger pour la sécurité des relations commerciales et des routes de l’or.”
“Il mène une guerre incendiaire contre les Malinke et les Songhay. Il inquiète par ses activités les Portugais. Évidemment ces derniers poussent leurs clients à la résistance contre Tenguella. Il y a donc conjugaison d’efforts des Songhay, des Malinke et des Portugais pour faire chuter l’impérialisme des Fulɓe Yaalalɓe.”
Il soutient également la thèse qui affirme que les migrations de Koli et la dispersion des Yaalalɓe sont une conséquence des guerres de son père Tenguella contre le Mandé et le Songhay. Les évènements de 1481-1495 rapportés dans les sources portugaises par Joao de Barros concernent donc uniquement Tenguella. Selon cet historien.
Du Bajar au Fouta
Koli Tenguella dans les récits est décrit comme un chef tribal, allié des Fulɓe de ces pays et conquérant les royaumes de la sous-région lors de ses migrations. Il aurait donc quitté son lieu d’origine avec ses parents Yaalalɓe à la mort de son père. Ce qui a réellement motivé Koli Tenguella dans ses conquêtes reste incertain mais il n’est pas insensé de supposer qu’il fut également animé par une certain “nationalisme” avant l’heure, combattant pour la liberté des Fulɓe dans les différents royaumes où ils étaient assujettis. C’est en tout cas ce que rapportent les traditions orales recueillies par Arcin qui affirme que Koli n’a fait que répondre “à l’appel de ses frères opprimés et persécutés.” Oumar Kane rapporte les versions des écrivains coloniaux tels que Arcin, Tauxier et Delafosse dans la première hégémonie peule et s’exprime en ces termes : “Après avoir vaincu la confédération Sereer-Jola, Koli se prépara à attaquer les royaumes du nord, appelé par ses frères qui vivaient en nomades dans tout le Bas-Sénégal, ou qui avaient formé des États tels que celui du Khasso, soumis à la tyrannie des empires malinké ou songhoy…”.
“Il attaqua les Soose (Mandingues) qui dominaient les Fulɓe du Bundu et du Damnga. Les Wolof sont soumis ou refoulés à l’ouest, et les Fulɓe du Ferlo (Sénégal central) sont affranchis de leur tutelle. Tout se passe comme si Koli mène une guerre de libération de la nation pullo où qu’elle se trouve. Il est possible que Koli ait été guidé par un certain nationalisme, ce qui était incontestablement le cas pour son père. Sa guerre contre les Songhay, le Mali (Mandé) et les principautés mandingues de la Gambie a revêtu un caractère politique, mais aussi économique, visant à contrôler les routes de l’or tout en libérant les Fulɓe de la tutelle des tyrans. Mais il n’est pas sûr que Koli ait toujours été appelé, car dans le Fuuta, il a combattu des Fulɓe.”
Il continue ensuite : “Dans ses conquêtes, Koli a toujours pris le soin d’associer des minorités non fulɓe, Koniagui et Basari, Soso de l’est, Tenda et Sadioko malinke, Baga et Landuma, Sereer et Joola, après sa victoire sur leur confédération. Cette conciliation vis-à-vis des populations conquises semble rejoindre les traditions du Fuuta Tooro d’après lesquelles Koli épousait toujours les filles ou les veuves de ses victimes. Cette conciliation vis-à-vis des populations non-conquises rend moins lourde la domination des Fulɓe, et fait participer effectivement au pouvoir les vaincus par l’intermédiaire de leur enrôlement dans l’armée.”
La politique de Koli à ce moment installé dans le Bajar se basait sur la conquête et l’alliance avec les populations locales, par le mariage et l’enrôlement dans les forces armées. On sait que ces auxiliaires Bassari et Koniagui rejoindront en nombre l’armée de Koli, seront nommés par la suite les ‘Seɓɓe Koliyaaɓe” et seront décisifs dans la conquête du Fouta Tooro lors de la migration vers le nord. Les raisons des conquêtes de Koli semblent elles être aussi bien politiques, ethniques qu’économiques. Il est vrai que tous les pays supposément conquis par Koli et ses armées (Ngabu, Firdu, Wuli, Ñaani, Jolof, Ɓunndu) contenaient de grandes minorités de Fulɓe mais il est semble que la tradition a parfois exagéré l’importance de certaines de ces conquêtes. Le royaume Bajar (région frontalière entre l’actuel Sénégal et l’actuel Guinée) ainsi formé et dirigé par Koli était à ce moment situé sur une route commerciale reliant le Fouta Djallon (précisons ici que le plateau du Fouta Djallon ne sera conquis qu’au 18e siècle par les Fulɓe, nous utilisons ce terme pour indiquer une zone géographique uniquement) au Fouta Tooro comme le souligne Gilbert Vieillard. Les Fulɓe du Bajar seraient les intermédiaires entre les Fulɓe du Fouta Djallon et du Fouta Tooro.
Le Bajar est décrit comme “une vaste plaine sablonneuse, avec des roniers bordant les rivières. On y cultive le riz, le sorgho et le mil.” On dit aussi que le riz flotté (maaro) du Fouta Tooro aurait été introduit par les Fulɓe du Bajar. La présence de Koli au Bajar est sans nul doute véridique, confortée par les traditions orales et les écrits de Sire Abbas Soh, qui, suivant la tradition du Fouta Tooro dira :”qu’il habitait un pays appelé Badyar et que, partant de là, il se rendit au Nyaani, y fit la guerre au roi de ce pays nommé Sammbo-Dabbel et le tua. Reprenant ainsi sa route il se rendit à Badon-Tyolli puis traversa la rivière de Keve, passa par Beli-Badon et par le Nyokolo-Koba, traversa la rivière de Farako, passa par Wutufere-Lengedye puis par Hoore-Mawba puis par Galo, puis par la mare de Nomi, puis par Bulel, puis par Tyipi, puis par Sututa, puis par Kaparta, puis par Kusan-Tunke, puis par le village de Gambi, puis par Kodde-Koli, qui fut appelé ainsi parce qu’il y avait renversé ses provisions de route, chose qui se dit ainsi dans la langue des étrangers (al ‘ajamiyyun parlant toute langue africaine non-arabe), ce dernier endroit se trouve entre Gambi et Nammarde. C’est la que Tenguella fils de Gedal son père nourricier (ici il reprend la version fuutaanke qui dit que Tenguella n’est pas le père biologique de Koli), passa au bord du fleuve pour aller résider à l’est de Nyoro en une localité appelée Dyara.”
Koli Tenguella entreprit la conquête du Ñaani et du Ñammandiru en quittant le Bajar. Il combattu le chef des Fadduɓe du Nyaani Sammba Daɓɓel comme cité plus haut et le tua. L’historien Yero Booli Diao rapporte également que Koli tua le berlab Weli Mberu Mbake Teedyek et “que son peuple se dispersa en direction du Jolof, du Siin et du Saalum”. On voit ici que la supposée conquête d’une confédération sereer-joola concernait plutôt le Nammandiru où cohabitaient Sereer, Soose (Mandingues) et Fulɓe. On comprend ici que les migrations de Koli se sont faites du sud vers le nord, du Fouta Djallon au Bajar, en traversant la Sénégambie, bouleversant l’équilibre géopolitique préexistant et conquérant les entités politiques environnantes.
Des migrations similaires ont eu lieu, des contemporains de Koli comme l’arɗo mbaal du Ferlo Sammba Moɗam, qui selon les traditions orales et les propos reccueillis auprès de Ali Ba, bammbaaɗo (griot-guitariste) des Fulɓe Mbaal aurait également migré vers le nord d’où il rapporta ensuite des échantillons de toutes les cultures du pays (mil, maïs, haricots, pastèques, patates, coton etc.). On retrouve des traditions similaires dans l’histoire de Jambel Ali qui aurait découvert “une terre bénie (le Fouta) qui ignore la faim et la soif grâce à ses plantureuses récoltes, grâce à son fleuve aux eaux fécondes et poissonneuses, une terre propice à l’élevage grâce à ses riches pâturages.”
On peut toutefois se demander ce qui a poussé Koli à quitter le Bajar, à ce moment où son pouvoir était stable et accepté de tous. Était-il menacé par ses voisins? Ou la situation économique était-elle devenue préoccupante au point de devoir migrer? C’est ce qu’affirme une tradition recueillie par Steff :”Koli Tenguella, roi de Badiara, guerrier par essence fatigué de vivre dans un pays où personne ne lui cherchait querelle et où les terrains devenus vieux produisaient mal, après avoir exercé vigoureusement ses guerriers, se décida à quitter son royaume pour en chercher un plus prospère.”
La situation particulière du Fouta Tooro, situé en pleine vallée du fleuve Sénégal a attiré les convoitise de plus d’un et surtout des Fulɓe vivant dans le Jeeri à ce moment complètement frappée par la sécheresse. Encore selon Steff, c’est lors de son passage dans le Jolof que Koli découvre les richesses du Fouta. La migration de Koli du Bajar vers le Fouta semble donc principalement motivée par des raisons économiques et la recherche d’un avenir plus prospère pour lui et ses administrés. La conquête du Fouta Tooro se déroula en plusieurs étapes, il est important pour le comprendre de mentionner l’itinéraire emprunté par celui-ci, mais également l’état des lieux politique de la moyenne vallée du Fleuve à ce moment précis.
Conquête du Fouta Tooro
L’extension du Jolof aurait poussé à l’exil des fractions fulɓe telles que les Uruurɓe, les Wolarɓe, et les Yaalalɓe. La colonne de Dulo Demmba dirigée vers le sud-est finit exterminée dans la Guinee-Bissau actuelle. Dans son sillage et sans doute tirant les leçons de son échec, un autre fergo dirigé par Teŋella Geɗal se consolide dans le sud de la Sénégambie avant de marcher vers le nord-est, et de fonder l’état éphémère du Fouta Kingi dans le Jaara vers 1464-1470. Cette version semble plus juste et contredit la version de Sire Abbas Soh et d’autres écrivains qui font se séparer Koli et Tenguella au Falémé. Il est plus logique d’affirmer que Koli a migré suite à la désintégration du Kingi et la mort de son père. Le Jolof étant donc l’une des puissances en place dans la vallée du fleuve, Koli Tenguella dut se heurter au pouvoir des farba et des seɓɓe (guerriers), percepteurs des impôts depuis la suzeraineté du buurba Djolof sur le Fuuta occidental. Il a dû également affronter les pouvoirs fulɓe locaux, ainsi que les faren Jawara du Kingi qui régnaient sur les provinces orientales du Fouta (Damnga). Les itinéraires associés à la conquête progressive du Fouta sont nombreux et ils seraient long de tous les évoquer ici, selon Steff reprenant ici les traditions du Fouta Tooro : “Tour à tour sont battus les rois du Saluum, du Baawol; du Kajoor et du Jolof. Après la défaite de ce dernier, Koli et ses troupes s’enfoncent dans la vallée du Pute pour aboutir dans le waalo de Joŋto, en plein Booseya (Fouta central) soumis après la défaite de son principal chef farmbaal; le Ngeenar subit le même sort après la défaite du farba Jowol, suivi du Law après la défaite du farba Waalalde, et enfin se soumet le Tooro (Fouta occidental) d’Ali Eli Bana et la confédération des Jaawɓe (clan pullo) du Tagant après la mort d’Arɗo Yero Diide. Le Fuuta une fois conquis et organisé, Koli ayant une nouvelle base part à la conquête de l’est, du Kingi probablement. Il meurt à Lambedu.”
Il est dit que c’est seulement en 1529-32 que Koli Tenguella soumis entièrement le Fouta, fruit de longues batailles entre les farba soumis au Jolof, les faren jawaranke et les pouvoirs fulɓe indépendants (jaawɓe de Girmi, Laam Tooro Geɗe). La conquête fut longue et les résistances nombreuses, les notables pour beaucoup ne voulaient pas se soumettre à Koli malgré ses impressionnantes forces selon la tradition orale (9999 hommes dont 3333 archers dit-on) composées de Fulbe et d’auxiliaires (Seɓɓe Koliyaaɓe) aguerris par des années de combat partant du Bajar et dans le reste de la Sénégambie. Selon Oumar Kane, pour la conquête Koli utilisa massivement des auxiliaires venus du sud, recrutés parmi les Koniagui, les Bassari, les Tenda, les Baga, les Landouma et les Sadioko malinke lors de son passage au Fouta Djallon et dans le Bajar. Tauxier affirme qu’il y avait également des contingents sereer. Koli s’attaqua au Damga (Fouta oriental) et le Bunndu et y combattit les faren dépendants du royaume Jawara.
Selon les sources traditionnelles, Il tua à Wawnde le faren Mahmuudu Dama Ngille et son frère Samba. Il combattit le faren Ndumaan-Fegge à Fajar, le faren Coŋollo à Foora, Dibeeri et Jaaye Dibeeri à Nabbaaji, et le faren de Daaru à Bokkijawe. Les différents faren vaincus par Koli et son armée, ce qui restait des troupes soninké se replièrent vers l’est, le Bunndu et le Bambuk.
Selon Sire Abbas Soh dit: “Quant à Koli, il poursuivit sa route par Gurel-Hayre, Dyekulani, Gawde-Bofe et Fadyar, où il tua le faren ainsi que le fils de celui-ci, Ndumman-Fege. Puis il fit halte à Foora, et y tua Tyongolo et son fils Dyadye-Tyongolo. Ensuite il fit halte à Nabbaaji et tua un roi appelé Dibeeri ainsi que son fils Dyadye Dibeeri {…} ensuite il fit halte auprès de Daaru chez le Daaru-faren en village appelé depuis Bokkijawe et y tua un kokkoren-faren surnommé “le premier”. Ensuite il fit halte à Anyam-Godo, où il tua un faren qui avait le pas sur les deux tués déjà dont mention vient d’être faite en cet écrit. Ce village d’Anyam-Godo et celui qui le remplaça était alors le séjour d’une tribu appelée Wodaabe. Il y résida vingt-sept ans environ. Au cours de cette période il tua le faren Mahmuudu fils de Dama-Ngille fils de Mori fils de Musa fils de Mumin Ta’im fils de Da’im. Koli tua aussi son frère Dyambere fils de Dama-Ngille. Il le tua grâce à l’arc de Niima, fils de Tenguella, fils de Gedal…”.
Dans le Ngeenar, il est dit que Koli affrontit les farba vassaux du Jolof, il tua le farba Erem, le farba Njum et bummuy Hoorefoonde. Il affrontit également les Jaawɓe à Njorol près de Demmbankani (Sénégal oriental). Continuant vers l’ouest, Koli s’attaqua au Booseya dans le Fouta central et attaqua le farmbaal Mbenyi Legetin à Haayre Mbaal en soudoyant son frère Kerkumbel, il blessa le farmbaal mortellement d’un flèche empoisonnée. Kerkumbel persuada ensuite les guerriers du Booseya de déposer les armes et le Booseya fut soumis à Koli. On voit dans cet épisode que Koli savait user des luttes intestines et des divisions internes entre les notables locaux à son avantage. Le Ngeenar et le Booseya une fois soumis, Koli se dirigea vers le Laaw plus à l’ouest, il vainquit le fameux farba Waalalde Weynde Jeng et Ali Eli Bana du Tooro (Fouta occidental). Koli et ses koliyaaɓe vainquirent les troupes du farba et le tuèrent; son armée préférant la mort à l’humiliation préféra mourir également. L’armée de Koli perdit énormément d’hommes lors de la conquête du Tooro d’Ali Eli Bana, il y eut plusieurs batailles dont beaucoup furent repoussée par le Laamtooro Geɗe. Koli proposa alors des pourparlers et esssaya de soudoyer le Laamtooro comme il le fit avec le farmbaal, le Laamtooro refusa catégorique. Koli assassina le Laamtooro dit mois plus tard et annexa le Tooro, il épousa par la même occasion la fille du laamtooro Faayol Ali Eli Bana dont il eut deux filles : Lalla Faayol et Sira Faayol. Ce ne fut qu’à la mort du laamtooro Ali Eli Bana qu’il devint maitre du Fouta. Il décida ensuite de s’attaquer au Laam termes qui gouvernait les Fulɓe Jaawɓe qui était replié dans le Tagant (Mauritanie centrale), il parti pour Lacci-Weendu (Ksar el-barka), la capitale de l’arɗo Yero Diide. Il s’attaqua aux troupes de l’arɗo et perdit un nombre important de soldats. Koli réussit à soudoyer l’épouse d’Arɗo Yero, Mali Demmba Mali et à la séduire en lui donnant une somme importante d’or. C’est ainsi qu’elle trahit son mari et le fit tuer par certains de ses hommes. La tradition rapporte qu’après la mort d’Arɗo Yero, Koli fit décapiter la tête de Mali Demmba Mali, “une mauvaise femme qui ne peut être qu’une mauvaise épouse.” Oumar Kane dit à propos de cet épisode :”la défaite des Jaawɓe, qui étaient les maîtres de la partie orientale du pays sur les deux rives, met fin à la pacification du Fuuta Tooro. Koli fait alors de la plaine de Fori (Gorgol, actuel Mauritanie) le centre de son pouvoir dont dépendent les chefs qu’il a nommé à la tête des différentes provinces.”
Il est difficile d’évaluer avec exactitude la durée des guerres de Koli, il aurait passé sept ans de 1512 à 1519 à soumettre le Nyaani, le Wuli, les Sereer et les Joola, à combattre le Baawol, le Kajoor et le Jolof. Il aurait ensuite pénétré le Fouta à partir de 1519-1520, heurté à de nombreuses résistances des faren, des farba, des Arɓe (sing. Ardo) et du Laamtooro la conquête se serait terminée entre 1529 et 1532, toujours selon Oumar Kane. Les sources portugaises de Barros, Alvares d’Almade, Donelha et Lemos Coelho font elles références à un nombre important d’individus accompagnant Koli, aussi bien combattants que non-combattants. Ils notent également l’importance des archers qui constituaient le gros des armés. Beaucoup d’entre eux étaient montés sur de bœufs porteurs (coweeji), ce qui n’est pas étranger à la région, le Songhay de l’askia Ishaq II quelques décennies plus tard affrontera de la même manière les canons marocains à Tondibi. On dit que ce n’est qu’après la conquête du Fouta Tooro que Koli put acquérir des chevaux en grand nombre. Le butin pris sur l’Arɗo Jaawɓe s’élèverait à 40447 chevaux de race (ɗimaaɗi). L’élevage des chevaux, bien qu’attesté bien avant les conquêtes de Koli (Sunjata aurait lui-même acquis des chevaux lors d’une mission chez le “Jolofin Mansa) se serait grandement développé par la suite. Alvares d’Almada affirme : “Le Grand Fulo, roi des Fulos, a une importante cavalerie, et sur ses terres, il y a beaucoup de chevaux. Les Jalofos, Barbacins [Sereres], les Mandingues, ceux de l’intérieur comme ceux des côtés viennent s’approvisionner chez lui. Par suite du grand nombre de chevaux qu’il détient, le Grand Fulo ne reste jamais plus de trois jours dans un même endroit. Il se déplace continuellement dans son royaume, à la recherche d’herbe et d’eau si rares dans son pays et celui des Jalofos.” On remarque dans cet extrait l’aspect nomade de la gouvernance du Fouta sous Koli Tengella, se déplaçant à la recherche des pâturages, ce qui explique la multiplicité des capitales. L’importance du cheval ici n’est pas sans rappeler le vieil adage fuutaanke disant que les Yaalalɓe et Deeniyankooɓe sont passés d’aynaaɓe na’i (bergers de vaches) à aynaabe ɗimaaɗi (bergers de chevaux). La conquête militaire du Fouta n’aurait également pas eu lieu sans l’appui de l’aristocratie guerrière des Saybooɓe (sing. Cayboowo), chefs de guerres et conseillers à a la cours, les Sayboobe sont une confédération de clans (leƴƴi) Fulɓe, les Woɗaaɓe de Sawaadi Jaaƴe Sadiga qui portent le yettoode SOH, les Saybooɓe Niima et Saybooɓe Sawa Donde qui ont pour yettoode BAH, et les Saybooɓe Jalluɓe qui ont pour patronyme JALLO. À l’origine de ces Saybooɓe il y aurait sept commandants de l’armée de Koli Tenguella (Ali Baga, Gata Kummba, Kata Waali, Niima, Jey Jaalo Gaynaako, Yero Jeeri Jibril, Abdullah Haby), rappelons-nous que certains de ces noms ont été cités tantôt quand on évoquait le premier exil de Koli. Ses cousins Yaalalɓe dont Mooli Maaliga, Aali Maaliga et Sammba Maaliga ont également joué un rôle décisif, les Yaalalbe seront dit-on les percepteurs d’impôts dans les royaumes vassaux à l’apogée de l’empire deeniyanke.
Le Fouta et le royaume deeniyanke
Ayant achevé la conquête du Fouta et d’une grande partie de la Sénégambie et ses alentours, Koli Tenguella installa sa dynastie, les Deeniyankooɓe. Le roi portait le titres de satigi, emprunt mandingue du terme silaa tigi (maître de la voie). Le modèle de succession exclusivement patrilinéaire se basait sur un droit d’aînesse parmi les fils du satigi. Le roi en devenir portait le titre de kamalenku (prince héritier). Les conquêtes de Koli refaconnerent l’équilibre politique de la sous-région, de nombreux royaumes furent soumis à l’autorité du satigi, ce qui fit de ce nouvel empire un empire multinational. Selon Arcin l’empire deniyanke s’étendait “du Haut Niger au Bas Sénégal”.
On dit que 18 royaumes auraient été vassaux du satigi à l’apogée de l’empire, dont le Jolof, le Waalo et le Kajoor, dont les rois étaient investis par le satigi auquel ils donnaient en tribut esclaves et chevaux. Oumar Kane dit:
”Ainsi tous les Etats wolofs de la Sénégambie étaient dépendants du satigi du Fuuta, en particulier le Jolof, le Waalo et le Kajoor. La dépendance plus nominale et formelle que réelle était matérialisée par le fait que le roi devait être investi par Sawa Laamu. L’investiture consistait en la collation d’un bandeau, sorte de diadème en étoffe blanche qu’on enroulait autour d’un bonnet conique, généralement rouge. Il recevait à cette occasion un tribut en chevaux et en esclaves; l’autorité des satigi s’étendait à la rive droite (actuelle Mauritanie) et le kamalenku ou l’héritier présomptif avait la charge d’administrer les populations de la rive droite, y compris les Maures. Al-Yadali, dans son Chiam-az-Zaouia, parle de l’oppression des ‘Oulad Tenkella’ sur les tribus maraboutiques de Mauritanie. Cela en explique en partie le mouvement de Nasr el-Din, qui est en quelque sorte un mouvement d’émancipation des Maures”.
Des populations mandingophones dans la partie sud-orientale de l’empire était également soumises à l’autorité des satigi. Cheikh Moussa Kamara dit :
“On dit qu’ils (les Deniyankooɓe) possédaient auparavant (tout le territoire) de Ndar (Saint Louis) jusqu’au Xaaso et de la montagne de l’Assaba, dans le pays des Baydan, jusqu’à la mer salée (al-bahr al malih) y compris le Nyaani, le Bunndu, le Gajaaga et d’autres entités politiques. On prétend que la raison pour laquelle les Konyaagi ne portent pas de vêtements, c’est que les percepteurs (les envoyés) des Deeniyankoobe venaient souvent chez eux et leurs prenaient tous leurs biens, y compris leurs vêtements qu’ils portaient : aussi ont-ils arrêtés de porter des vêtements et ce jusqu’à maintenant. On disait que tout le monde leur payait le tribut (al-kharaj), et Allah le Très-Haut est plus savant.”
Le royaume Deeniyanke garda son influence dans la sous-région jusqu’à la mort de Siree Sawa Laamu (r.1669-1702), l’héritage de Koli Tenguella survécut jusqu’à la révolte des tooroɓɓe qui déposa le dernier souverain deeniyanke Suley Buubu Gaysiri qui avait pris le titre d’almaami. La geste de Koli Tenguella est encore vivante, elle traverse les époques et les frontières. Les Wammbaaɓe et Maabuɓe chantent encore sa gloire d’antan, on évoque le nom de Koli dans les contes et les épopées. Il fut un exemple de bravoure, d’abnégation et de résistance pour les Fulɓe. Il réunit des populations différentes, parfois en conflit, par des alliances politiques et matrimoniales, il conquit un empire immense par sa ruse et ses armées aguerries. Il émancipa son peuple de l’oppression des entités politiques régionales. Son exil est un tournant de l’Histoire, il remodela l’ordre politique de cette partie de l’Afrique, les contemporains et traditionalistes se souviennent du Grand Pullo.
Bibliographie
- La première hégémonie peule, Oumar Kane
- Tarikh al-Fettach, Mahmud Kati
- Zuhur al-Bastin, Cheikh Moussa Kamara
- Figures peules, Roger Botte; Jean Boutrais; Jean Schimtz
- Les mémoires de Maalaŋ Galisa sur le royaume confédéré du Kaabu, Cornelia Giesing; Denis Creissels