Dans cet article, nous allons explorer la figure de Gelaajo Hambodeejo, très populaire dans le monde peul jusqu’à nos jours, et essayer d’entrevoir le personnage historique de la figure de la tradition orale. Pereejo [du clan Soh/Sidibé] du Kunaari, fils de Hammadi Bodeejo Pate Yella (m. v. 1812), et répondant au triptyque du « hulataa/dogataa/namataa gacce » [« n’a pas peur, ne fuit pas et abhore la honte], Gelaajo Hambodeejo est une figure centrale de l’histoire du Macina et de sa mémoire, constituant une passerelle entre un ordre ancien et un monde nouveau.
Hambodeejo, son père est très présent dans les récits de la tradition orale, durant la période précédant la Dina du Macina [pré-1818] où la région était sous domination du royaume de Ségou. Si la tradition orale ne donne pas de précision exacte sur sa temporalité, les récits des chroniqueurs du Fittuga nous permettent de savoir que Hambodeejo était toujours actif autour de 1810-1, où il est décrit comme ayant conquis les villes de Sa et d’Arkodia, loin de son Kunaari, mais dans le Guimballa.
Gelaajo Hambodeejo nait dans ce contexte historique où le Macina est vassal de Ségou, et où la dynastie des Ngolossi [Diarra] a remplacé celle des Bitonsi [Coulibaly] à Sikoro. Ségou même avait connu une guerre civile à la mort du faama Ngolo Diarra [1762-1790] entre ses fils Nianankoro et Mansong/Monzon, qui a duré quelques années [1790-1793] et qui va se conclure par la victoire et l’ascendance de Mansong sur le trône. Ces périodes de troubles n’ont pas été sans conséquences sur le Macina où durant la décennie 1780, une figure du nom de Sidi Baba [peut-être le Silamaka/Yero Maama de l’épopée peule] a mené une dissidence contre le Segu fanga [« la force de Ségou »] avant d’être vaincue. Dans cet intervalle entre la consolidation du pouvoir des Ngolosi [la dynasite Diarra issue de Ngolo] et la victoire de Sékou Ahmadou Lobbo sur Ségou en 1818, se passe la jeunesse de Gelaajo Hambodeejo.
Hambodeejo Hammadi Hampaté Yella, dont l’aéroport de Sévaré porte le nom, est aussi une figure chérie par la tradition orale. Appelé « Pullo Segou, Bambara Kunaari » [le Peul de Ségou et le Bambara du Kunaari], Hambodeejo, en fin politique, avait épousé Tenin, une princesse de la dynastie Diarra des Ngolossi, renforçant son alliance avec le Segu fannga, tout en étant rétif à la main trop pesante de ce pouvoir. Cette alliance reflétant le pragmatisme de son père Hammadi Bodeejo [« Hammadi au teint clair » en fulfulde], plus connu par la postérité comme « Hambodeejo ». De cette union est issue Ousmane Hambodeejo, frère puiné et confidant de Gelaajo, qui lui est le fils de Wela Takkaade [« la bonne compagne »; sans doute un surnom], une femme du village de Samanay.
Avec Buubu Ardo Galo, Gelaajo Hambodeejo constitue une figure passerelle entre l’ordre ancien dominé par le ArBe et l’ordre nouveau, islamique, bâti par Sékou Ahmadou Lobbo, à partir de 1818. Mais alors que Buubu Ardo Galo meurt en luttant contre cet ordre nouveau, Gelaajo Hambodeejo le conteste et lui survit, laissant des traces plus de 30 ans après l’établissement du « laamu Diina », mais bien loin de son Kunaari natal.
Gelaajo se distingue par sa bravoure, son sens politique, mais aussi par sa générosité légendaire, qui avait fait de lui une figure populaire de son vivant. Sa grandeur d’âme est ainsi notée dans l’affaire opposant Fatimata Ba Lobbo et Sâ, le prince bambara qui exigeait que sa chienne lape d’abord le lait que voulaient vendre les bergères dans son village. Lorsque la chienne du prince lapa sa calebasse et la salit avec les restes en secouant son museu, la fulamuso frappa l’animal avec son bracelet ; suscitant l’ire de Sâ qui lui rasa la tête « sans mouiller l’eau » et la taillada pour son outrage. Lorsque les 3333 preux du Macina furent mis au défi par Fatimata Ba Lobbo, ce fut Gelaajo, « celui qui se détresse avec des fléchettes en or », monté sur Soppere kannge [Sabot d’or] qui jura d’arracher la dent de Sâ, et d’offrir son cops aux hyènes couvertes de taches jaunes, et aux charognards couverts de taches blanches du Bourgou. Ce qu’il fera au cours d’un duel au terme duquel Gelaajo offrit la tête, les pieds et les mains de Sâ à Fatimata Baba Lobbo, en lui disant à elle et à tout le monde autour : « Quiconque parmi vous se rincera la bouche, qu’il crache sur la tête de Sâ ».
Il est dit de lui aussi dans les récits des maabube
Pullo ! moorotooɗo balaminaaji |
Le peul qui se tresse des balaminaaje [arbustes ligneux] |
cancortooɗo koƴe ndigaaji. | Et qui se détresse avec des pieds de vautours |
Pullo leloo, fiya bawɗi | Le peulh qui se couche au son des tambours |
hejjitoo, lummbina laaɗe |
Qui se réveille dans la nuit et fait traverser des pirogues |
mo saroo ñiiñe, saakoo peɗeeli | Celui aux dents espacées, et aux doigts dispersés |
daɓɓo daande mo daande wutte mum nanngataake | Au cou court et que personne n’empoigne |
mo kiikiiriwol kaakariiwol kaakowal kaake worɓe | Qui fond sur les hommes tel un faucon, leur arrachant leurs armes. |
ngal kaake mum ƴeewetaake | Dont personne n’ose observer les couilles |
Kanko wiyetee jalal manngal | C’est celui qu’on appelle le grand pilier |
Jabbirgal manngal wakkataake | Le grand semoir, il est appelé |
Dasataake | Qu’on ne traine pas par terre |
Wakke, hela balabbe | Et si on se hasarde à le porter à l’épaule, il les casse |
Daasee, taya codduli | Et si on le traine par terre, il casse les chevilles |
Kanko woni labangal niiwa | C’est lui le mors de l’éléphant |
Tafoowo ngal ina wuro ga | Celui qui le fabrique est au village |
Battoowo ngal alaa ladde | Celui qui le place, n’est pas en brousse |
Gelaajo et l’avènement de la Dina du Macina
La décennie 1810 où émerge Gelaajo Hambodeejo en tant qu’acteur politique était marquée par une effervescence millénariste dans tout le Sahel; le Macina, le Farimaké et le Kunaari où Gelaajo régnait de Goundaka n’y échappant pas. Le succès du mouvement réformiste musulman de Sokoto, dirigé par Uthman dan Fodio (1753-1837), était parvenu jusqu’au Sahel central, où l’autorité de l’Ardo du Macina (Tenenkou) n’était plus aussi forte, et où clercs conservateurs et novices se disputaient à propos de points théologiques, à la limite du byzantinisme.
C’est dans ce contexte qu’un porte étendard de Sokoto (« mai tuta » en haoussa), Mallam ibn Said arrive dans le Gimballa, autour de 1813 qu’il essaie de soulever; son mouvement est cependant brisé très vite par les autorités du pays. Plus au sud à Djenné, Sékou Hammadi Lobbo se bâtissait une communauté réformiste, aux marges des cercles institutionnels de Djenné, mais aussi en critique aux excès des ArBe du Macina. Entre le Djenneri et le Gimballa, Gelaajo Hambodeejo régnait sur le Kunaari, jouissant de la réputation de son père et de ses hauts faits d’armes, mais aussi impacté par cette effervescence religieuse dans la région. La question de sa religiosité et de sa pratique sera centrale à la postérité : pour les sources macinanké liées à la Dina, c’est après 1818 qu’il fait sa conversion; alors que les chroniques du Fittuga, du Farimaké et de Sokoto le décrivent comme un musulman avec une cour religieuse, avant la bataille de Noukouma. Un prince peul, musulman, allié du Segou fanga, en quelque sorte, maintenant des relations avec les clercs de son espace, mais aussi avec les Kountiyou d’Araouane/Tombouctou, en particulier avec le Cheikh Sidi Mohammed (1765-1826).
Ainsi quand les évènements amenant à l’établissement de Hamdallaye s’accélèrent, les forces centripètales religieuses existaient et courtisaient les cours. Sékou Ahmadou Lobbo n’était pas le seul clerc musulman avec un projet politique, mais où il va être celui dont le projet aboutira et phagocytera les autres.
Gelaajo et la bataille de Noukouma [1818]
Ainsi lorsque la bataille de Noukouma commence en avril 1818, Gelaajo Hambodeejo avait une position particulière : prince peul, allié du Segou fannga, mais aussi menant une politique douce auprès des marabouts.
Quand Segou confronte Sékou Ahmadou et son mouvement dans le Sebera en 1818, en route pour une campagne dans le Hayré, Gelaajo Hambodeejo campait à Kouma, après avoir traversé le Pignari pour pouvoir faire jonction avec la colonne dirigée par Diamogo Seri Diarra dit « Fatoma », commandant de la colonne.
Selon le récit de Hampaté Bâ et Daget, l’armée de Diamogo Séri avait passé par Saro, Sakay, Nguêmou, Simay, Saré Malé pour camper à Mégou où elle fait sa jonction avec la colonne de Faramoso, chef des Bobo, venant de Poromani et occupant le Fémaye. Une autre colonne dirigée par Moussa Koulibaly du Monimpé, traversait Mourra, et le Djoliba au gué de Bimani, pour camper à Sandjira. Alors que Gelaajo Hambodeejo campait aux portes du Hayré avec 130 juude [unités de cavalerie], une autre colonne dirigée par Ardo Macina Ahmadou, dont le fils Gidaado avait été tué par les partisans de Ahmadou Hammadi Boubou à la foire de Simay, fait la jonction avec les autres colonnes dans le Sébera via Saré Seyni. Il est important de noter que toutes ces colonnes se dirigeaient vers le Hayré pour une campagne, mais le faama de Ségou Da Diarra, avait donné l’ordre à Diamogo Séri de régler l’affaire du marabout du Fittuga, en passant.
« Diamogo Séri Diara assume la direction générale des opérations. L’armée de Monimpé s’avancera en direction de la mare de Pogôna ; Guéladio surveillera les rives du Bani en vue de couper toute retraite vers la montagne, et, s’il est nécessaire, de prendre Noukouma à revers ; le gros des troupes bambara restera dans la région de Dotala et Diamogo Séri lui-même à la tête des meilleurs soldats bambara et bobo attaquera Noukouma. Il établit son quartier général au sud de la mare de Pogôna et donne ses ordres en vue du combat. Ses hommes sont munis d’une bonne quantité de cordes pour ficeler les vaincus comme ballots de poisson sec et les expédier ainsi à Da. »
En face l’armée de Sékou Ahmadou qui campait à Noukouma dans le Sébéra était commandée par Ousmane Bokari Sangaré/Cissé, un compagnon d’études de Sékou Ahmadou, qui fut proclamé « Amiiru Manngal » [grand émir] à l’aube de la bataille.
Si on suit le récit de Hampaté Ba, Sékou Ahmadou tint ce discours à ses partisans juste avant la bataille.
— La gloire et la puissance sont à Dieu. Je lis sur vos visages la bonne contenance malgré le danger qui nous menace. Le grand jour est arrivé. Ne vous laissez pas impressionner par le désarroi de vos épouses et la position de l’ennemi qui paraît avantageuse. Ce jour est pour nous un nouveau Badr. Souvenez-vous de la victoire que notre Prophète remporta sur les idolâtres coalisés. N’a-t-il pas attaqué l’ennemi avec 313 combattants seulement ? Ne remporta-t-il pas une éclatante victoire ? A son exemple, nous attaquerons Diamogo Séri Diara avec 313 hommes prêts à combattre pour Dieu. Vous êtes ici 81, vous, mes premiers partisans. Je vous adjoindrai 231 autres combattants et ainsi, avec moi-même, nous atteindrons le chiffre de 313. Les meilleurs cavaliers monteront les 40 chevaux dont nous disposons, les autres se battront à pied. Un deuxième groupe de 313 hommes ira vers Kouna et interviendra le cas échéant. Un troisième groupe de 313 hommes passera dans le Fakala et s’y tiendra prêt à toute éventualité. Les 61 lances qui restent surveilleront les femmes et les enfants. Ali Guidado a fait preuve de courage en portant le premier coup de lance. Nous avons à notre tour à nous élever au-dessus de l’événement qui nous menace et dominer la situation. Soyons fermes et ne disons pas comme les Juifs : « Nul pouvoir à nous, en ce jour, contre Goliath et ses troupes » (II, 250), mais : « Combien souvent bande peu nombreuse a vaincu bande nombreuse avec la permission d’Allah ! Allah est avec les constants (II, 250). »
Dans ce discours, il est clair que même si Gelaajo Hambodeejo n’était pas présent à Noukouma, les partisans de Sékou Ahmadou craignaient d’être attaqués par ses cavaliers sur leurs arrières, et avaient positionné 313 combattants, pour le contrer éventuellement.
Le 13 Jumada I 1233 [samedi 21 mars 1818], le premier choc entre les deux armées eut lieu à Noukouma lorsque les fantassins commandés par Bokari Hammadoun Sala [Bori Hamsala, futur Amiiru Macina] s’entrechoquèrent avec ceux commandés par Faramoso et Moussa Koulibaly. La flèche d’Abdou Salam Traoré, partisan de Sékou Ahmadou, perce le tambour de guerre de Diamogo Séri, avant qu’il ne soit abattu avec la shahada sur ses lèvres. Attaqué par 40 cavaliers peuls, Diamogo Séri surpris dans son camp, ordonne une mauvaise manœuvre suscitant la confusion parmi les troupes bambaras, dont certaines battaient en retraite et d’autres continuaient l’assaut.
L’unité bambara dite Banankoro bolo, commandée par le fameux Gonblé [le « singe rouge », un nom de guerre], avait soutenu le choc des Peuls malgré des pertes sévères. Gonblé, furieux de voir les Bambaras battre en retraite sur ce qu’il pensait être un ordre de Diamogo Séri, crut à une trahison. Il descend de son cheval, armé d’une chaîne de fer hérissée de pointes, et fait face aux Peuls en proférant à leur adresse ces paroles de mépris :
— Ohé, singes rouges [insultes adressées aux Peuls de Sékou Amadou], il ne sera pas dit à la cour du « Maître des eaux » [Jiitigi, autre nom du faama de Ségou] que ma longue queue de « Cynocéphale roux » [Gonblè en bambara] a balayé la poussière derrière moi pour effacer des traces de fuyard. Les troupes qui m’abandonnent iront porter la nouvelle de ma mort et non celle de ma fuite. Depuis quand des singes rouges se mesurent-elles à des cynocéphales ?
Ivre de rage et aveuglé par la honte d’une défaite, Gonblé se jette contre les lances ennemies. Au moment où il lève la main pour frapper le premier adversaire à sa portée, un bantuure [lances aux fers recourbés] adroitement lancé par un inconnu lui pénètre dans la poitrine et lui perfore le poumon gauche. Gonblé tombe à la renverse en jurant :
— Monè kasa ! [L’outrage a mauvaise odeur, en bambara]
Il meurt sans connaître l’issue du combat.
Diamogo Séri, voyant ses troupes lâcher pied et refluer en désordre, comprend un peu tard qu’en donnant l’ordre de déplacer son camp, il a commis une manoeuvre maladroite qui lui coûtera la bataille de Noukouma et même la guerre contre Amadou Hammadi Boubou. Les Bambara, contournant la mare de Pogôna, fuient jusqu’à Yêri où Diamogo Séri réussit à regrouper ses soldats et à reconstituer ses forces. Mais au lieu de marcher sur Noukouma qu’il pouvait prendre facilement, il emploie toute son armée à édifier des retranchements. Les Peuls avaient rompu le combat dès qu’ils avaient eu la certitude que l’avantage de la journée leur resterait acquis.
Les mauvaises manœuvres de Diamogo Séri Diarra firent perdre le jour au Seegu Fannga, suscitant la colère de ses lieutenants et la défection d’Ardo Amadou et de Gelaajo Hambodeejo. Arɗo Amadou retraverse le Niger et rentre dans le Macina ; Guéladio décampe de Kouna et regagne Goundaka. Quant à Faramoso, il abandonne ses alliés et se réfugie dans le Saro. La situation ne pouvait être plus favorable à Amadou Hammadi Boubou qui reçoit beaucoup de ralliements dont celui de Kolaado Alfa Dial de Wouro Nguiya, d’Adoulaye Muhammadu, cadi du Macina « proprement dit » et celui aussi de Boulkassoum Tahirou de Dalla, qui l’aurait rejoint avec ses 240 lanciers nãna nãnga [« avance et prends »] qui avaient la réputation de ne jamais reculer au combat. Le nombre des troupes aurait augmenté substantiellement ainsi alors que la victoire [ou la mise en échec] de Ségou par les marabouts se propage. Alors que Diamogo Séri campé à Yeri fortifie son camp, il subit beaucoup de défections de la part de ses troupes bambara et bobo, dont certains rentrent dans leurs pays ou se joignent carrément à Sékou Ahmadou Lobbo.
Au cours des mois qui suivirent, Sékou Ahmadou dont l’autorité était centrée sur le Sébéra consolida son assise sur le Maasina, le Djenneri et le Mourarien ralliant les chefs et installant ses alliés dans ses régions.
Gelaajo après Noukouma : la mésentente et la révolte contre la Dina
Après Noukouma et dans le sillage de la consolidation du pouvoir de Sékou Ahmadou Lobbo sur le Sébéra, le Djenneri et le Pondori, Gelaajo Hambodeejo réévalue sa position face au nouvel ordre dans le delta intérieur du Mali.
Gelaajo Hambodeejo, face à l’absence de réaction de Ségou, aurait réuni ses conseillers à sa capitale, Goundaka, pour les interroger sur la conduite à tenir face à l’ordre islamique naissant dans l’est, qui menaçait l’autorité des ArBe comme lui.
Il est rapporté que lors d’une de ses audiences, Ousmane Hambodeejo, frère puiné de Gelaajo [et fils de la princesse de Ségou] aurait rapporté ces propos à son frère :
— Je n’ai jamais eu peur d’un guerrier et je suis tout disposé à mourir pour défendre mon frère et le renom de notre famille. Mais je conseille à mon frère de ne pas s’opposer au marabout. C’est une foudre de guerre que Dieu envoie dans ce pays. Il faut aller nous soumettre, non pas à lui, mais à Dieu, et déposer notre soumission entre ses mains. Ainsi nous éviterons la guerre et garderons notre commandement.
Cet avis aurait été validé par les autres membres de la cour de Gelaajo, qui aurait résisté pendant trois mois à leurs conseils de se rendre à Noukouma. Cette attitude aurait généré des inconforts au sein des troupes de Gelaajo, le forçant d’une certaine manière à envoyer un émissaire auprès de Boureima Khalilou, Diawando de la Dina naissante, pour solliciter son coonseil et un accommodement possible avec la Dina. Le conseil de Boureima aurait été de rencontrer Sékou Ahmadou et de professer sa foi musulmane devant la Cour.
Gelaajoo acquiesça à cette requête et rencontra Sékou Ahmadou à Noukouma. Selon le récit de Hampaté Ba et J. Daget, collecté dans les années 1950, la rencontre entre les deux figures se serait déroulée comme suit :
Cheikou Amadou, selon son habitude, dit à Guéladio au cours d’une audience privée :
— Pour me prouver la sincérité de ta conversion, donne-moi un conseil. La guerre étant l’affaire des Arɓe plus que celle des marabouts, je voudrais que ton conseil soit d’ordre militaire.
Guéladio, répondit :
— Tu vas auparavant prier Allah de ne jamais m’abandonner à la merci d’un de mes ennemis.
Cheikou Amadou, ne saisissant pas l’astuce de cette demande 2 et sans aucune arrière-pensée, formule une prière dans le sens souhaité par Guéladio.
— Merci, lui dit ce dernier. Maintenant je vais, en toute tranquillité et de bon coeur, te donner quelques conseils :
- Tu transféreras ta capitale de Noukouma en un lieu hors de la zone d’inondation. Noukouma pourrait être facilement assiégé durant les hautes eaux.
— Connaîtrais-tu un emplacement qui conviendrait à la fondation d’une grande ville qui serait la capitale de la Dina ? [Sékou Ahmadou]
-
[Gelaajo] Oui. Entre Sofara et Taykiri s’étend une vaste plaine, environnée de collines, qui conviendrait parfaitement. La ville pourrait être fortifiée et les hauteurs qui l’entourent utilisées comme postes de guet.
-
Il faut autant que possible construire en pisé et supprimer progressivement les paillottes. Quelques cavaliers décidés, armés de tisons ardents, peuvent ruiner un vaste territoire dont les cases sont faites de paille 4.
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Tu élèveras des juments afin d’assurer à peu de frais la remonte d’une puissante cavalerie.
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Tu encourageras l’agriculture en prenant la défense des travailleurs des champs. Cette politique assurera à ton état de bonnes récoltes et le prémunira contre le redoutable fléau qu’est la famine.
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Tu ne feras rien sans l’assentiment des notables de ton pays. En politique, mieux vaut suivre une fausse route les ayant avec toi que t’engager dans un bon chemin les ayant contre toi.
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Tu choisiras comme favori un captif qui mourra sans trahir et se fera tuer pour te sauver.
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Tu prendras un maabo [tisserand-griot] comme confident intime. Un maabo pur-sang ne vend jamais un secret confié.
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Tu feras traiter tes affaires par un DiawanDo. Le DiawanDo gâche tout projet formé sans lui, mais il a honte de voir échouer un plan qu’il a dressé lui-même.
-
Il faut aimer la fortune et ne pas la dissiper comme tu le fais.
Ce dernier conseil déplut à Cheikou Amadou.
— Pourquoi veux-tu que je thésaurise ? dit-il à Guéladio. Ne sais-tu pas que les biens de ce monde sont périssables et qu’inévitablement il faut, au seuil de la tombe, renoncer à toutes les richesses amassées durant la vie ?
— Je ne t’ai pas dit, reprit Guéladio, de rechercher la fortune pour toi-même. Mais tu veux fonder une Dina. Elle ne peut prospérer que si tu gagnes les hommes à ta cause et si tu les retiens près de toi.
— Certes oui, concéda Cheikou Amadou.
— Or, les hommes aiment l’argent, continua Guéladio. Même ceux qui ne l’adorent pas ne peuvent s’en passer. Il te faut donc amasser une fortune, non pas pour ton plaisir, mais pour attirer les hommes dont tu auras besoin. Tu as gagné des batailles, mais ta victoire ne sera définitive et ta domination affermie qu’autant que tu auras des biens à répandre autour de toi. Mon père HamboDédio avait coutume de dire : « donnez-moi de la fortune et je ferai de la terre ce que vous voulez qu’elle soit. S’il a réussi à épouser la fille de Da Monson, c’est que son or avait lesté les langues qui auraient pu dire non.
— Tu as raison, dit Cheikou Amadou. La Dina aura son trésor, mais moi, j’ai fait vœu de pauvreté.
Comme on le voit ici, Gelaajo aurait été influent dans la sélection de l’emplacement de la future capitale de la Dina, « Hamdullaye », à mi-cheval entre le Kunaari, le Macina, et pas si loin du Hayré. Gelaajo invitait ainsi Sékou Ahmadou Lobbo à s’établir plus près de lui, mais dans un site facilement défendable et moins enclavé que le Sébéra initial. Une entente existait ainsi, entre Gelaajo Hambodeejo, figure de l’ancien ordre, et Sékou Ahmadou, porte-étendard du nouvel ordre islamique. Mais cette entente cordiale n’allait pas durer, car la révolte de Gelaajo Hambodeejo Dicko, qui allait « durer sept ans » selon la transition, est un des évènements qui allait faire trembler l’empire peul du Macina
La révolte de Gelaajo contre l’ordre nouveau des clercs
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1235 AH- 1819/20: Gelaajo Hammadi Bodeejo se rend à Tombouctou pour rencoontrer Cheikh Sidi Muhammad
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1240AH- 1824/25 Révolte de Gelaajo Hammadi Bodeejo
Source: Tarikh Fittuga de Cheikh Isma’il Wadi’at Allah/Yerkoy Talfi
L’entente entre Gelaajo Hambodeejo et la Dina ne fut pas longue. Le nouvel ordre voulait soumettre l’ancien, en établissant un nouveau commandement soumis à Sékou Ahmadou et aux Quarante marabouts du Batu Mawdo.
Chaque région était dirigée par un amiru, qui était en même temps un chef de guerre pour le compte du laamu Diina. Les amiiraabe étaient assistés de conseillers juridiques et devaient rendre compte au Batu Mawdo/Sékou Ahmadou, qui constituaient l’autorité suprême.
- Comme on le sait, Ousmane Bokari Sangaré avait été proclamé Amiiru Mangal à l’aube de Noukouma, et fut celui qui commandait la province du Dienneri. Il résidait à Djenné mais ses troupes étaient garisonnées à Sénossa, Wakana et Ngounya, surveillant le Niger, et la frontière ouest avec Ségou et le Saro.
- Bori Hamsalah (Bokari Hammadoun Salah), qui avait été à la tête des troupes à Noukouma, fut proclamé Amiiru Macina, avec résidence à Tenenkou, à la suite de la déchéance de l’Ardo Ahmadou, ennemi de Sékou Ahmadou, et de la soumission à la Dina de Ardo Ngouroori Diallo, primus inter pares des Arbe avant la Dina. Bori Hamsalah commandait de Diafarabé au lac Débo, proche de la zone inondée et des bourgoutières tant désirées.
- Le Fakala, était commandé par Alfa Samba Fouta Ba, de Poromani. Il sera secondé par le neveu de Sékou Ahmadou, Ba Lobbo Barry et par son fils Maliki Alfa Samba.
- Gouro Malaado, un autre neveu de Sékou Ahmadou commandait le Hayré, et surveillait les frontières est du nouvel état. C’était un grand commandement, constituant la marche avec le Hombori, le Jelgooji, le pays mossi et samo, et Gouro Malaado était secondé par plusieurs porteurs de tambour [« joom tuube] comme Alfa Seyoma qui résidait entre Dalla et Douentza et Moussa Bodeejo, qui résidait à Aribinda.
- Le Farimaké/Fittuga/Gimballa était commandé par Alhaji Moodi, un cousin de Sékou Ahmadou, et connu comme spécialiste de la guerre de razzias contre les Touareg et les Maures. L’Amiiru Nabbe e Dude commandait cette région des lacs, restive à l’autorité centralisatrice de Hamdallaye.
Dans cet ordre naissant, Gelaajo Hambodeejo ne fut pas choisi parmi les cinq amiraabe initiaux, mais ses états furent subordonnés à l’autorité de l’amirou du Hayré et du Fakala-Kunaari. La Dina avait privilégié de mettre des chefs dont la confiance n’étaient pas en doute à la tête de ces 5 grands commandements; les chefs ralliés comme Gelaajo Hambodeejo et ceux de Wouro Nguiya, Attara, Farimaké, Sa, Dari, Konsa, Wakambé, Tégé, Kagnoumé, Poromani, Bambara Maounde, étant catégorisés comme des « joom tuube », ou chefs de deuxième ordre.
La rébellion de Gelaajo trouve certaines de ses origines dans cette nouvelle cartographie qui scinde ses états. La nomination de Gouro Malaado au Hayré avec autorité sur le Pignari, conquis par Gelaajo et à qui il était demandé, de céder cette conquête fut l’étincelle. À la suite de cette nomination, Gelaajo Hambodeejo aurait dit:
‘’Sans honneur, que ferais-je de la vie ? Mourir est une loi inévitable, mais se laisser honnir sans réaction, c’est manquer de courage et de vertu…’’
La chronique du Fittuga fait part d’une visite de Gelaajo Hambodeejo chez Cheikh Sidi Mohamed el-Kounti en 1820. L’évènement est assez notable pour être consigné dans les annales et le tarikh ne fait pas état des discussions. Ce vide est cependant comblé par la tradition orale qui fait exhaustivement état des tractations de Gelaajo entre Hamdallaye et Tombouctou, et des alliances qu’il essayait de contracter avec Boubou Ardo Galo du Macina, et avec Amadou Alfa Koudiadio, marabout du Farimaké, pour déclencher une grande révolte contre Sékou Ahmadou.
Les traditions rapportent que lors de sa visite à Tombouctou, Gelaajo aurait sollicité un marabout qui l’aiderait à traiter avec la Dina et sur les questions musulmanes à Sidi Mohamed al-Kounti, qui lui aurait envoyé un de ses disciples, Alfa Nouhoum Tayrou [ou Nuh b. al-Tahir, selon les clercs musulmans]. Alfa Nouhoum Tayrou, « ngel binndi » [l’écrivain en fulfulde] est passé à la postérité comme le coadjuteur de Sékou Ahmadou et comme l’un des théoriciens des bases de l’état naissant. Durant son service à Goundaka, au service de Gelaajo, Alfa Nouhoum Tayrou développa des relations avec le Batu Mawdo et Sékou Ahmadou, qui étaient séduits par sa science religieuse et par son talent littéraire. Gelaajo aurait été irrité par cette tournure des évènements et lui aurait dit, lorsqu’à bout de patience:
— Je m’aperçois chaque jour que tu es plus près, par le cœur, des marabouts de Hamdallaye que de moi. Tu prétends toujours que leurs instructions sont conformes au Coran et à la Sounna et tu trouves toujours que ma ligne de conduite est répréhensible. Je me demande si réellement tu défends bien ma cause. ».
Gelaajo, insatisfait de son conseiller religieux, aurait écrit une lettre au Cheikh Sidi Muhammad pour se plaindre et l’accuser d’être sur le point de renier son obédience à la Qadiriyya Kountiya, pour s’inféoder à Hamdallaye. Au-delà des accusations, cette tradition montre en fait qu’à cette époque les rapports entre les Kountiyya et la Dina étaient loin d’être établis, et que beaucoup de princes et musulmans de la boucle du Niger, s’appuyer sur des légitimités islamiques confrériques, pour contester l’ascendance d’Hamdallaye.
À la défaveur de Gelaajo, Cheikh Sidi Muhammad Kounti n’aurait pas apprécié ses insinunations. Il aurait écrit à Alfa Nouhoum Tayrou une lettre rapportée comme telle par Ba et Daget :
« Le serviteur d’Allah, Sid Mahamman, qui espère en la miséricorde de son créateur le Clément sans bornes, à son disciple, la perle brillante d’un collier magnifique, Alfa Nouhoun Tayrou, salut. Il nous est parvenu de la part de l’illustre fils d’Hambodédio, auprès de qui Allah a voulu que nous t’envoyions pour défendre et faire triompher le droit par la justice, que ton esprit est en train de s’obscurcir et tes pas, jadis si fermes, de chanceler. Nous ne pouvons ni croire à ta défaillance, ni douter du dire du fils d’Hambodédio, avant de t’avoir entendu. En conséquence, quel que soit le lieu où cette lettre te trouvera, pars immédiatement pour Tombouctou où nous te convoquons, avec le ferme espoir que nous ne t’y attendrons pas longtemps. »
Lorsque le porteur de cette lettre arriva au domicile d’Alfa Nouhoun Tayrou, celui-ci était sorti. Le messager attendit à la porte. Alfa Nouhoun Tayrou, revenant de la mosquée, allait rentrer chez lui quand l’envoyé de Cheik Sid Mahamman [Cheikh Sidi Muhammad Kounta] lui tendit la missive. Alfa Nouhoun Tayrou, piqué par la curiosité, l’ouvrit et en prit connaissance sur place. Les assistants virent ses traits changer au fur et à mesure qu’il lisait, mais ne pouvaient deviner les sentiments qu’il éprouvait. Surmontant son trouble, Alfa Nouhoun Tayrou après avoir achevé la lecture de la lettre, se tourna vers le messager et lui dit, souriant :
— C’est entendu.
Il tourna le dos à sa porte et dit à ceux qui l’accompagnaient :
— J’ai reçu de mon cheikh l’ordre d’aller à Tombouctou, et je m’en vais.
Il chargea un ami d’aller faire ses adieux à sa famille et de le rejoindre avec le nécessaire pour le voyage, puis il dit à l’envoyé de Sid Mahamman :
— Tu m’excuseras de manquer à ton égard aux lois de l’hospitalité, mais partons sans plus attendre pour Tombouctou.
La nouvelle du rappel d’Alfa Nouhoun Tayrou parvint à Hamdallaye. L’empressement avec lequel il avait répondu à la convocation de son cheikh plut beaucoup à Cheikou Amadou qui lui écrivit immédiatement une lettre. Un cavalier rapide fut chargé de la lui porter avant qu’il ne fut sorti du Kounari. Le cavalier rattrapa Alfa Nouhoun Tayrou et son compagnon à Bogo [au sud de Konna]. La teneur de la lettre, toujours d’après la tradition orale, était la suivante :« L’humble serviteur d’Allah le Grand, le Clément, le Miséricordieux, Amadou fils de Hammadi, fils de Boubou, à son frère en Allah, le savant, le pieux Nouhoun Tayrou. L’oreille perçoit parfois ce qui ne lui est point destiné. Nous avons appris que le fils d’Hambodédio t’a desservi auprès de notre vénérable Cheik Sid Mahamman. Il accuse ton cœur de se pencher vers nous plutôt que vers lui. Nous souhaitons qu’Allah te lave d’une calomnie qui peut accabler ton cœur de chagrin. Nous te prions de venir à Hamdallaye, nous enverrons au vénérable Cheik Sid Mahamman des preuves indiscutables de ta bonne foi. Ta place est plutôt parmi les membres du grand conseil qu’auprès de Guéladio. Ce dernier cherche à te chasser du pays alors que nous, nous recherchons la compagnie d’une âme aussi pure que la tienne, car seules les âmes pures sont agréables à Allah. »
Alfa Nouhoun Tayrou écrivit à Cheikou Amadou pour le remercier de sa sympathie, mais il ajouta qu’étant de l’obédience de Cheik Sid Mahamman, il ne pouvait se rendre à Hamdallay sans ordre de son maître.
Cheikou Amadou aurait alors envoyé une longue lettre à Cheik Sid Mahamman, et y joignit une correspondance reçue par le grand conseil de Hamdallay et dans laquelle Alfa Nouhoun Tayrou défendait Guéladio . C’était une preuve éclatante qu’à aucun moment Alfa Nouhoun Tayrou n’avait trahi sa mission malgré les propositions avantageuses de Hamdallay. Cheikou Amadou terminait sa lettre en demandant à Cheik Sid Mahamman de lui affecter Alfa Nouhoum Tayrou puisque Guéladio semblait ne plus en vouloir comme secrétaire. Cette lettre fut confiée à une pirogue légère avec ordre de ne pas s’arrêter en chemin. L’envoyé de Hamdallay parvint à Tombouctou avant Nouhoun Tayrou. Cheik Sid Mahamman prit connaissance des documents qui lui étaient communiqués et s’en montra très satisfait. Il savait à quoi s’en tenir sur la conduite de Guéladio qui avait inconsidérément calomnié un homme irréprochable. Il écrivit à Cheikou Amadou et à Alfa Nouhoun Tayrou.La pirogue rapide de Hamdallay, remontant le fleuve, croisa celle de Nouhoun Tayrou qui descendait. On remit à Nouhoun Tayrou la nouvelle missive de Cheik Sid Mahamman. Il la lut avec joie, mais ne put s’empêcher de dire :
— Cheikou Amadou est un adversaire terrible ; il m’a fait perdre l’occasion de revoir mon cheik.
Effectivement, Sid Mahamman donnait ordre à son disciple de retourner sur ses pas et de se mettre à la disposition de Cheikou Amadou pour l’aider à gouverner la Dina.
C’est ainsi qu’Alfa Nouhoum Tayrou rejoignit Hamdallaye où il allait devenir la deuxième personnalité du régime naissant au fil des ans, épousant même la veuve de Sékou Ahmadou [et mère de son successeur Ahmadou Sékou, v.1800-1851] et s’érigeant comme un des acteurs majeurs de la diplomatie de Hamdallaye.
Il est inutile de dire que Gelaajo Hambodeejo fut désappointé par ce retournement des choses. Mais sa détermination à conserver ses privilèges et son indépendance n’avait pas flanché. La question du Pignari et sa subordination à Gouro Malaado lui étaient resté en travers de la gorge. Il aurait tenu cette ferme résolution :
« Le Pignari est ma conquête. Je ne peux pas admettre qu’on le donne à Gouro Malado. C’est une marque de mépris vis-à-vis de ma famille. Me taire serait forfaire à l’honneur de Hambodédio. Le commandement du Pignari ne doit pas être attribué à un autre sans mon consentement. Or les marabouts ont pris leur décision sans me prévenir, même à titre d’information. Je n’ai au demeurant que ce que je mérite. J’aurais dû continuer à les combattre et mourir au besoin comme sait mourir un Arɗo. Mais je suis décidé à envoyer à Hamdallaye une lettre de protestation. La réponse que Cheikou Amadou me fera, décidera entre la paix et le silence ou le bruit de la poudre et le cliquetis des armes blanches. Puis il écrivit au grand conseil :« Avant l’avènement de Cheikou Amadou, moi, Gelaajo Hambodeejo, j’ai fait une incursion dans le Pignari ; j’ai battu le pays jusqu’aux portes de Doukombo . Cette région est mon domaine puisque je l’ai conquise. Je demande à ce qu’elle ne soit pas distraite du Kounari. Je m’élève contre la désignation de Gouro Malado pour la commander.».
Lorsque la lettre de Gelaajo fut reçue par le Grand Conseil, leur réponse éteignit tous ses espoirs et sonna le glas de leur entente.
« Il a été décidé par le conseil chargé de veiller sur la sécurité et la bonne marche de la Dina, qu’aucun homme incapable de lire, écrire et comprendre le sens d’un document écrit en caractères arabes, ne serait placé à la tête d’un territoire à plus de cinq jours de marche. Ton maintien comme chef du Kounari est une mesure exceptionnelle qui continue à être combattue par certains conseillers. Il est de ton intérêt et de celui des tiens de te tenir tranquille. Le grand conseil ne conteste ni ta naissance illustre, ni tes mérites militaires, mais il ne saurait être question de te donner la préséance dans une affaire où la valeur militaire et l’origine ne constituent pas des titres essentiels. On exige des chefs foi et science. Or sans t’insulter, ta foi est tiède et ta science est nulle.»
Gelaajo contracta des alliances au-delà, pour tenir tête à Hamdallaye. Selon le récit de Ba et Daget, Alfa Ahmadou Koudiadio avait été missionné par la Dina pour rallier le Farimaké, le Dirma et le Ndodjiga mais après ses conquêtes initiales, était entré en rébellion s’alliant aux Touaregs Tengerigrif de Woyfan, et aux Kel Tadmakkat en défiance à Hamdallaye obligeant. La Dina fut obligée d’envoyer une colonne dirigée par Alhaji Moodi pour le mettre au pas. D’une certaine manière la défiance de Gelaajo servait également ses intérêts. Il semble que Gelaajo tenta une dernière approche auprès de Cheikh Sidi Mohammed pour avoir une caution islamique à sa rébellion ; ce qui expliquerait peut-être l’annonce de sa visite au marabout kountiyou dans le Tarikh Fittuga en 1820. Mais ce fut également un échec ; Cheikh Sidi Muhammad conseillant à Gelaajo de se conformer aux exigences de la Dina, et de ne pas se rebeller.
Ainsi Gelaajo s’appuya simplement sur la force de ses armes, lorsqu’il déclencha sa rébellion qui aurait duré 7 ans [1820-1826] selon la tradition, et 2 ans [1824-1826] selon le Tarikh Fittuga. Il est possible que ces deux dates aient des références différentes et que la défiance de Gelaajo commença en 1820 pour prendre une tournure militaire à partir de 1824. Le Pereejo aurait tenu ces propos à son frère et confident Ousmane, avant d’enclencher sa rébellion :
Je suis revenu de Tombouctou plus morose que jamais. Je n’ai pas trouvé auprès du marabout Sid Mahamman le réconfort sur lequel j’avais fortement compté. Il me prédit le pire. Tu seras battu si tu fais la guerre à Cheikou Amadou, telle a été sa conclusion. Mais je ne me laisserai pas intimider. Sans honneur, que ferais-je de la vie ? Mourir est une loi inévitable, mais se laisser honnir sans réaction, c’est manquer de courage et de vertu. J’ai foi en ma chance. Je préfère périr, voir tous les miens mourir ou quitter le pays, plutôt que de me soumettre aux gens de Hamdallay qui font et refont des coupes territoriales en dépit de tout bon sens. Si je ne sais pas réciter le Coran, mon esprit est rompu aux tactiques de la guerre. Mes chevaux, mes sabres et mes lances me redonneront la préséance que les versets du Coran, dit-on, me refusent. Je ferai aux marabouts une guerre sans merci. Ils pourront avoir ma vie comme ils ont eu celle de mon cousin Arɗo Amadou [pris, livré aux marabouts et décapité par Hamdallaye, avec son corps jeté dans une mare du Mourari]. Mais auparavant, ils auront eu de moi des nouvelles sanglantes. Tant que tu vivras, toi, Ousmane mon frère, tant que mes lances ne seront pas émoussées ni mes chevaux déchaussés de leurs sabots, les marabouts ne dormiront pas sur leurs deux oreilles et ils ne réciteront pas tranquillement des passages de leur livre dans la salle aux sept portes qui fait tant leur orgueil.
Ousmane qui avait attentivement écouté son frère jusqu’au bout dit :
— Alors ce sera la guerre entre nous et les marabouts ?
— Oui, dit Guéladio, je vais déclarer la guerre aux marabouts.
L’Ardo Mawdo du Macina, Ngourori Diallo, approché par Gelaajo refusa de joindre la rébellion mais son frère Boubou Ardo Galo, était allé à Ségou pour demander au faama Da Monzon, un appui en or et en ressources, dans la révolte qui se préparait. Ainsi les marabouts devaient s’attendre à une rébellion massive dans le Farimaké et le Fittuga, dans le Kunaari et dans une partie du Macina avec Boubou Ardo Galo. Le maabo de Buubu Ardo Galo, Galo Segene, composait des satires insultant les marabouts et traitant Ngourori de couard et appelant les Arbe à la dissidence. Buubu Ardo Galo qui refusait de manger le « cengle issu de la sadaqat », aurait tenu ses propos à son frère :
— Tu peux rester à Hamdallay puisque tu y as élu domicile. Tu peux te faire inscrire sur la liste des marabouts car tu es rayé de celle des Arɓe. Ne compte plus sur le Macina. Puisque tu as renoncé à venger Arɗo Giɗaɗo, ma place est maintenant aux côtés de Gelaajo.
Buubu Ardo vainquit la cavalerie macinanké à Néné, et encore lorsqu’ils traversèrent le fleuve pour Tenenkou, jurant qu’il apprendrait la guerre aux marabouts en les frappant avec la chaine qu’ils utilisent pour les enfants apprenant le Coran.
Alors que Buubu Ardo Galo taillait en pièces les cavaliers de la Dina à Néné, Gelaajo exerçait une pression directe sur Hamdallaye proche de son Goundaka. Ousmane Hambodeejo, de Sio, bloquait l’accès à Hamdallaye, affamant les résidents de la nouvelle capitale, alors que Gelaajo appelait tout le pays au soulèvement. Plusieurs fois, les troupes du Kunaari vainquirent celles d’Hamdallaye, grâce à la sagacité politique de Gelaajo et à son réseau d’espions dans la boucle du Niger.
La mise en échec de la Dina obligea Sékou Ahmadou à solliciter les conseils de Bouréma Khalilou, un jawanndo de Hamdallaye à la sagacité légendaire et toujours en opposition avec Hambarké Samatata, le rigoriste accusateur public du Baatu Mawdo et ennemi de Gelaajo. Bouréma Khalilou, compromis dans la rébellion et mis aux fers, fut libéré et réinstallé dans le Grand Conseil après des années d’échec et alors que l’autorité de la Dina se réduisait comme une peau de chagrin. Celui-ci aurait dit appelé le Grand Conseil à plus d’humilité et de sens politique et rappelé que « savoir lire et écrire ne garantissait pas la vivacité de l’intelligence, la puissance de déduction, ni le don de la persuasion ».
Au conseil de guerre de la grave heure, Boureima Khalilou aurait été le dernier à parler rappelant la nécessité du secret pour les déplacements de la cavalerie macinanké. Amirou Mangal de Djenné, rappelé de Djenné, vint en appui à Alhaji Moodi, Bori Hamsala et à Alfa Samba Fouta, contre Gelaajo Hambodeejo. La conjoncture politique devait permettre la concentration des forces contre Gelaajo; la pression s’étant relâchée du côté de Ténenkou-Néné lorsque les colonnes de Hammadi Oumar Gouro vainquirent Buubu Ardo Galo et le tuèrent.
Toutes ces forces se reportèrent sur le Kunaari en attaquant Ousmane Hambodeejo à Sio pour désserrer l’étau autour de Hamdallaye, coupée de l’est. La cavalerie macinanké défait le blocus après un duel entre Ousmane Hambodeejo et Samba Abou, son ami d’enfance rallié à la Dina. Les deux amis se tueront au début de la bataille mais la mort d’Ousmane Hambodeejo avait déstructuré le commandement du Kunaari, et l’arrivée de troupes massives favorisant leur déroute pour Goundaka. La mort de Buubu Ardo Galo et celle de son frère Ousmane Hambodeejo perturbèrent Gelaajo qui lui aussi sollicita les conseils de Boureima Khalilou, conseiller de Sékou Ahmadou. Le conseil donné fut de quitter le pays car Hamdallaye ne comptait lui faire aucun quartier pour sa défiance.
Ce fut alors que Gelaajo réunit son conseil de guerre, pour savoir quelle conduite tenir. La décision de l’exil douloureux lui fut conseillée, dans l’espérance d’un retour; Goundaka étant trop proche de Hamdallaye et n’offrant pas les abris des contreforts du Hayre, la défiance devenait désespérée après les conseils de Cheikh Sidi Muhammad, et la défaite des alliés dans le Macina, le Mourari, et le Fariimaké. Le Kunaari en solidarité à son chef, se divisa : une bonne partie des gens du pays se décidant à subir la même fortune que leur chef. Gelaajo leur aurait dit :
— Ceux qui veulent m’accompagner me feront plaisir, mais je me séparerai sans rancoeur de ceux qui préfèrent rester ici.
Alors son maabo, Maabel Gelaajo, s’approcha :
— Fils d’Hambodédio, dit-il, ta mère est vieille ; elle ne peut suivre le fugitif que tu es à travers un pays inconnu où tu ne pourras peut-être avancer qu’en donnant des coups de lance ou en faisant parler la poudre.
Gelaajo se souvenant de la peur de Galo Segene, maabo de Buubu Ardo, qui dans les derniers moments fut pris d’une telle peur qu’il ne pouvait ni jouer de son luth, ni chanter les louanges de son maître, comprit que son maabo était sur le point de lui fausser compagnie.
Il le réconforta dans ses peurs et lui demanda de rester et de servir sa mère Welaa Takkaade, trop vieille pour l’exil incertain, et leur laissant des calebasses d’or pour leur entretien. C’est de nuit que le Pereejo quitta le Kunaari, passant par le Hayre, le Seeno et le Liptaako, alors que les troupes de Alhaji Moodi étaient à ses trousses, déterminées à venger les échecs qu’il leur avait fait subir. C’est à Béléhédé que ces troupes s’arrêtèrent dans leurs poursuites, n’osant pas franchir les états du sultan de Sokoto pour y poursuivre un fugitif. Gelaajo Hambodeejo reçurent l’hospitalité de Sokoto [plus spécifiquement du Gwandu d’Abdullahi dan Fodio, 1763-1828], et s’installèrent dans un « Nouveau Kunaari », entre Say et Torodi [Niger actuel] avec leur capitale à Ouro Gueladio [la ville de Guéladio]. Au fil du temps, l’adoucissement entre Sokoto et Hamdallaye favorisa également les relations entre Gelaajo et la Dina.
Wela Takkaade, la mère de Gelaajo fut invitée à vivre à Hamdallaye dans la concession même de Sékou Ahmadou Lobbo, ce qui constituait une propagande utile pour Hamdallaye face à un rebelle très populaire. Elle y vécut jusqu’à sa mort avec Maabel Gelaajo, et fut entretenue par la Dina. À son décès, furent découvertes les gourdes remplies de poudre d’or que Gelaajo lui avait données pour son entretien, et qui ne furent jamais déscellées. Ce fut Maabel Gelaajo qui expliqua l’origine de ce trésor aux curateurs; précisant que Wela Takkaade n’a jamais eu besoin de cet or vu que son entretien était pourvu par la Dina.
Ce fut ainsi que Sékou Ahmadou aurait écrit une lettre à Gelaajo, en ces termes :
« Moi Amadou Hammadi Boubou, par la grâce de Dieu imam de Hamdallay, au fils d’Hambodédio. Allah répand ses grâces et accorde le salut au sceau des Prophètes, notre Seigneur Mohammed le véridique, ainsi qu’à sa famille. Sache, ô Guéladio, que Dieu a rappelé à Lui ta pieuse mère. Elle est morte en paix et sur la voie de la rectitude. Je t’envoie, escortés par un groupe de cavaliers, les biens constituant sa succession. Celle-ci comporte, entre autres objets de valeur, une gourde scellée à la bouse de vache, que tu aurais offerte à ta mère avant de te séparer d’elle. J’espère que Dieu aidant, le tout te parviendra en bon état. Salut et condoléances de la part de tous. ».
Quand Gelaajo reçut la lettre et s’étant demandé si sa mère avait dédaigné son or, vu qu’on le lui retournait et ayant eu une explication de la chose, il aurait demandé aux émissaires de Hamdallaye de tout ramener au Batu Mawdo, et de verser l’or et les biens légués à lui par sa mère au trésor public et que cela soit distribué aux pauvres.
« Vous direz à Cheikou Amadou que je verse le tout au beyt el mâl en faveur des pauvres. Puisse ce geste valoir à ma mère et à moi la miséricorde d’Allah le Clément » »
Épilogue: « Mohamed » Gelaajo dans le « nouveau Kunaari »
En 1853, un voyageur allemand se faisant appeler « Abdel Karim » mais ayant pour vrai nom Heinrich Barth avait fait le trajet Tripoli [Libye] à Kukawa [au Nigeria] et ensuite Kukawa jusqu’à Sokoto. De Sokoto, il comptait se rendre à Tombouctou, où il sera logé par Cheikh Sidi Bekkaye el-Kounti (1803-1864), fils de Cheikh Sidi Muhammad (1765-1826), et peut-être à Hamdallaye. Dans cet itinéraire, il passa par Ouro Gelaajo [appelée alors Tshampagore] et fut reçu par Gelaajo Hambodeejo, qui était un vieux à cette époque. Il le décrit ainsi :
« Mohammed Galaïdjo était, lors de ma visite, âgé d’environ soixante-dix ans; de taille moyenne, il avait une physionomie fort agréable, à l’expression presque européenne.
Vêtu fort simplement, il ne portait qu’une tunique bleu-clair et avait la tête entourée d’un châle blanc. Galaïdjo, fils de Hambodedjo, succéda à son père, qui était sans doute le chef qui reçut avec tant d’hospitalité Mungo Park en 1805-1806, Ce Hambodedjo était alors le chef le plus puissant du Massina ou Melle, qui avait été divisé en une quantité de petits royaumes, depuis la chute de l’empire Sonrhaï; or, l’avénement de Galaïdjo au pouvoir, coïncida précisément avec le commencement du grand mouvement politique et religieux des Foulbe du Gober, mouvement dirigé par le réformateur Othman. Excité par leur exemple et enflammé d’une ardeur religieuse, il s’éleva Parmi eux un apôtre qui s’en alla répandre l’islamisme dans sa forme nouvelle, parmi la subdivision des Foulbe établie sur les rives du Niger supérieur.
Cet apôtre était Mohammed ou Hamed Lebbo. Au commencement de l’an 1233 de l’hégire (1818), il arriva dans le Massina, à la tête d’une petite armée enthousiaste et conclut une alliance avec Galaïdjo, qui embrassa lui-même l’islamisme (car son père était resté fidèle aux superstitions païennes); ainsi unis, ils entreprirent en commun la conquête des contrées voisines ; mais lorsque Lebbo se fut ainsi puissamment établi, il prétendit soumettre à sa domination son allié, sous prétexte que c’était lui qui avait levé, au berceau même du mouvement, l’étendard de la réforme.
Galaïdjo, qui se souciait peu de renoncer à ses antiques domaines, entra en lutte avec Lebbo et se vit forcé, après trois ans d’une guerre acharnée, d’abandonner sa capitale, Konari, et d’aller se chercher, avec le reste de ses partisans, une nouvelle patrie dans les parties orientales du pays. Il fut reçu à bras ouverts par le sultan de Gando, qui lui donna le gouvernement de la contrée vaste mais peu fertile, qui s’étend à l’ouest du Niger; c’est là qu’il est maintenant établi depuis une trentaine d’années »
Le récit de Barth nous vient d’une personne qui a vu et causé avec Gelaajo, qui l’a reçu dans sa maison. La perspective qui y est, différe légèrement de celle des traditions et pourrait constituer celle de Gelaajo suur les évènements qui l’ont amené à quitter son pays. C’est en ça qu’il est intéressant, toutes précisions gardées.
Aminata Wane dans son ouvrage sur Gelaajo apporte une tradition de l’historien nigérien Boubou Hama, disant que Cheikhou Oumar Foutiyou [1797-1864] aurait été reçue par Gelaajo, au retour de son pèlerinage. Peut-être que Heinrichi Barth a suivi le même itinéraire que celui du marabout, de Sokoto au Macina, avec plus d’une décennie de différences. Un fis de Gelaajo, Ibrahim Gelaajo Hambodeejo, étaiit noté parmi les alliés de Tidiani Alfa Ahmadou Tall, neveu de Cheikhou Oumar, durant sa reconquête du Macina entre 1864 et 1870. Gelaajo serait mort dans le Jelgooji en 1862, après la bataille de Cayawal, et alors qu’il espérait retourner dans son pays. Son exil fut permanent et il ne reverra jamais son Kunaari natal
Écoutons son dammol une dernière fois.
Nan !
1 Ayya Buubu, Accaa Buubu, Amina Buubu ! |
Entends !
1 Ayya Boûbou, Attia Boûbou, Amina Boûbou ! |
2 Kunta Buubu, Kunta Nguuroori Galo Haawa ! | 2 Kounta Boûbou, Kounta Ngoûrôri Galo Hâwa ! |
3 Pullo am mo ñaamaani gacce segene ñeeno jontaaɗo ! | 3 Mon Peul qui ne manque pas de donner au plectre son dû ! |
4 ɓe mbiya mo Gelaajo Ham Boɗeejo Hammadi Ham Paate Yella | 4 On l’appelle Guélâdio Ham Bodêdio Ham Pâté Yella, |
5 E Ndooraari, Pullo moorotoongal balamiinaaji | 5 Le Ndôrâri (mouton de Dori), le Peul dont les tresses sont des balaminâdji [arbustes ligneux] |
6 Cañcortoongal kure kaŋŋe ! | 6 Et qui les défait avec des fléchettes en or ! |
7 Kanko wiyetee joom sahre ! | 7 C’est lui qu’on appelle le maître de la ville |
8 ɓe mbiya mo kuɗal daande maayo | 8 Lorsqu’on l’appelait « l’herbe au bord du fleuve » |
9 Sukubee ñukubee, sumataa ñaayetaake | 9 Soukoûbé Gnoukoubé, Qui n’est ni brûlée, ni broutée, |
10 Mboɗeeri dono feelaa, jennga suɓee aawdi | 10 Mil rouge, héritier du mil blanc, sélectionné le soir, |
11 Sabboree ngatamaare | 11 Dans l’attente des premières pluies, |
12 O wiya: ‘’mi ɓennii ɗoon !’’ | 12 Guélâdio disait : « Ma renommée dépasse tout cela ! » |
13 Ɓe mbiya mo Weyse Baaye Buubu, Weleende Baaye Buubu | 13 On l’appelait Weysi Bâyé Boûbou, Wélêndé Bâyé Boûbou, |
14 Pulal Baaye Buubu sukkiɗi korlal | 14 Le grand Peul Bâyé Boûbou, celui qui a la jambe poilue, |
15 Yaaji larongal, juuti saalifaaji daande | 15 Celui qui a la peau épaisse, qui a les muscles du cou saillants, |
16 Saliima waɗde bitti reedu | 16 Qui a refusé d’avoir des plis au ventre |
17 A hoɗii e tule, a haɓaama e tule a haɓetaake | 17 Tu as habité dans des collines, tu t’es battu dans des collines, tu ne te bats point |
18 Leydi Idiriisa Bookar Hammooy | 18 Au pays d’Idrissa Bocar Hamôye, |
19 Yah ɗo nguli alaa ceeɗu | 19 Va au lieu où il ne fait pas chaud en période d’extrême chaleur, |
20 Jaangol alaa dabbunde. | 20 Ni froid en hiver ! |
Pour aller plus loin
Ba Amadou Hampaté et Jacques Daget. 1975. L’empire peul du Macina (1818-1853), tome 1. Paris. Les Nouvelles Editions Africaines.
Barry, Ibrahim. 1993. Le royaume de Bandiagara, 1864-1993: le pouvoir, le commerce et le Coran dans le Soudan nigérian au 19e siècle (Thèse en histoire, EHESS: Paris).
Bradshaw, Joseph M. 2021. The Bandiagara Emirate: Warfare, Slavery and Colonization in the Middle Niger, 1863-2003. (Dissertation Thesis in History, Michigan State University)
Hama, Boubou. 1968. Contribution à la connaissance et à l’histoire des Peuls. Paris, Présence Africaine.
Faranah, Bocar Hammadoun. Daarol Hambodedio: https://www.youtube.com/watch?v=5V-zxDcoksw
Seydou, Christiane. 1976. La Geste de Ham-Bodêdio ou Hama Le Rouge, Paris: Armand Colin
Wane, Aminata. 2016. Guélâdio Ham Bodêdio: héros de la poulâgou à travers deux récits éppiques peuls. Paris: L’Harmattan