Le Fouta-Djallon est une région montagneuse située dans l’actuelle république de Guinée, au carrefour des routes allant en Sénégambie, au pays mandingue et à la basse-côte. Elle connut à son apogée aux 18e-19e siècles, une théocratie musulmane prospère fondée par le jihad des clercs peuls et leurs alliés malinkés contre les populations païennes djallonkés et pulli (peuls non-islamisés).

C’est la bataille de Talansan vers 1727 qui marqua le début de cet État islamique, caractérisé par l’accession au pouvoir de marabouts peuls qui deviendront rapidement l’élite religieuse et politique dans la région. Contrairement à certaines idées reçues l’arrivée des Peuls dans le massif du Fouta-Djallon n’a pas débuté avec Talansan mais s’est étalée sur une relativement longue période débutant au 15e siècle. L’imamat du Fouta-Djallon fut divisé en neuf provinces ou diiwe (sing. diiwal), chacune dirigée par des clercs musulmans qui ont participé à la révolution de 1727. À la tête de cette confédération, se trouvait l’almaami (amir al-muminin) du Fouta-Djallon résidant à Timbo. Ces neufs diiwe étaient les suivants:

Mosquée de Karamoko Alfa, Labé, Fouta-Djallon

L’Almaamiat favorisa une production intellectuelle massive des clercs musulmans au cours des 170 années de son existence; souvent en ajami (pulaar) et plus rarement en arabe. Cette production intellectuelle écrite et orale en langue locale favorisa grandement l’islamisation de toute la société du Fouta-Djallon. L’utilisation de la langue locale fut notamment encouragée par l’érudit Thierno Samba Mombeya; contemporain et cousin de Thierno Sadou qui dira à ce sujet: “J’expose en fulfulde (pulaar) les principes de la foi pour te permettre de les comprendre et de t’en convaincre, car il est plus facile pour l’individu d’accéder à la vérité en utilisant la langue de son peuple“.

Ce texte (Conseil aux pasteurs) est un poème extrait d’un manuscrit de la bibliothèque omarienne de Ségou et représente à lui seul une œuvre centrale dans l’héritage politique de la sous-région, et notamment des Etats fondés par la série de jihads des 18e et 19e siècles. Le poème Conseil aux Pasteurs (Nasihat al-ru’at) fut probablement composé entre 1845 et 1851 par l’illustre imam Thierno Sadou Dalen (1765-1850?) lorsqu’il était déjà en fin de vie.

Thierno Sadou Dalen fut un érudit peul, considéré comme un waliyu (saint) originaire du Fouta-Djallon dans la province de Labé où il réalisera l’entièreté de sa formation scientifique. Il est le fils de Moodi Ibrahima Bano Tanu, cadet de Moodi Abdullahi Suware et de Maama Aissata mo Labé, elle-même fille de Thierno Mamadou Cellou (1692-1772), plus connu sous le nom de Karamoko Alfa mo Labé. Karamoko Alfa fut une figure emblématique du jihad fondateur de Talansan (1727) qui aboutira à la création de l’Etat islamique du Fouta Djallon et l’installation des Peuls musulmans dans cette région. Moodi Ibrahima Bano Tanu grandit en grande partie à la cour de son grand-père maternel Karamoko Alfa mo Labé, qui lui confia également des responsabilités politiques dans l’administration du diiwal (province) de Labé. C’est donc dans un environnement baigné de sciences religieuses et de responsabilités politiques que grandi le jeune Thierno Sadou, dans le territoire de Dalen, confié à son père par Karamoko Alfa en personne. Une tradition orale rapportée par l’administrateur colonial Leprince rapporte: “

“Une des légendes du pays veut que Bano, chef foula (peul) de la famille des Seleyabé, venu de Karantaguy, après avoir chassé les Dialonkés de la région et s’y être installé, ait fondé le village de Dalen-Hindé. Quelques années après, la famille des Ranyabé envahit à son tour Dalen. Bano vaincu s’enfuit à Vono, près de Dougoutouni, chez Moodi Abdoulaye, fils de l’Alfa mo Labé Mamadou Cellou qui prit fait et cause pour le fugitif. Moodi Abdoulaye rassembla une armée et marcha sur Dalen-Hindé; les Ranyabé vaincu à leur tour, se soumirent. Bano reprit possession de son fier, et créa un deuxième village Dalen Kolla; Chacun de ces villages eut sa mosquée.”

Karamoko Dalein (Thierno Ibrahima Diallo), [l’Islam en Guinée, Paul Marty, 1921]

Thierno Sadou, contrairement à d’autres érudits de la région qui voyageaient tantôt au Fouta Tooro (Sénégal/Mauritanie) ou dans le Trarza (Mauritanie) réalisera l’intégralité de ses études au Fouta-Djallon où il impressionna tous les maitres de son temps par ses dons exceptionnels; les traditions rapportent l’anecdote suivante:

“Quand on l’a envoyé à Bouroudji pour étudier, les gens ont compris que c’était un wali (saint), et on l’a ramené à Dalen. Rien qu’en touchant la tête, il éclairait les élèves les plus bouchés. […] Il parait qu’à Bouroudji, avant de lui donner son congé, le maître avait divisé son champs en différentes parcelles que tous les disciples devaient labourer. Tierno Sadou Dalen a alors rassemblé tous ses condisciples pour leur dire qu’ils allaient chanter en travaillant. Il entonnerait ‘kalakun” et ses compagnons répondraient en coeur “kalaana kaala kun”. Ainsi se mirent-ils au travail tout en chantant. Et quand il prenait la houe, il suffisait de chanter des vers très courts: ‘kalaanaa kaala kun” et aussitôt le champ se labourait de lui-même.”

En plus d’être un savant dans les sciences classiques (fiqh, hadith, tafsir, tajwid, nahw, balagha…) sa notoriété est également rapportée par les tarikh diakhankés qui mentionnent sa rencontre avec l’érudit jakhanke Karamokoba de Touba dans la province de Labé vers l’année 1804. On rapporte: “Il quitta ce lieu (Timbo) et gagna Labé. Il y trouva l’émir régnant sur le diiwal de Labé, Moodi Abdoullay Wora, dont le fils Alfa Saliyu, le recommanda sur ordre de son père. Il trouva à Labé le lettré perspicace Moodi Bubakar Poti et Shaykh Sa’du b. Ibrahim de Dalen (Tierno Sadou Dalen). A cette époque il [Karamokoba] avait les cheveux gris et fut béni à plusieurs reprises par lui [Shaykh Sa’du b. Ibrahim de Dalen].

Au-delà de son influence dans les sciences religieuses et l’enseignement, Thierno Sadou fut également une figure politique importante de l’almamyat. En effet, il fut désigné chef de misiide à Dalen, et conseiller des princes. Il donna à de nombreuses reprises des conseils à l’almaami de Timbo et eu aussi un rôle important dans les expéditions guerrières, en légiférant sur le jihad et ses formes. La tradition rapporte une des ses interventions faite vers 1851 au moment du jihad de Bérékolon qui opposa le Fouta Djallon à l’Etat mandingue du Gabou.

“Au moment du djihad de Bérékolon, quand ils ont accepté de faire la Diina [c’est-à-dire quand les mécréants eurent accepté de se convertir], Tierno Sadou Dalen alla voir les grands oulémas et les guerriers; il leur dit: “Le djihad est fini, maintenant ne tuez personne sinon vous serez accusés de ces actes”. Ils lui dirent: “Nous allons te répondre plus tard”. Et ils continuèrent de s’entretuer entre Labé et Timbo. Tierno Sadou leur disait: “Si vous combattez un kafir et qu’il devient musulman vous n’avez plus le droit de lui faire du mal, car il est musulman comme vous. Vous n’avez pas le droit de lui prendre ses biens, ce que vous faites là est illicite”.

Son gout pour la justice se remarqua également dans sa forte diplomatie en temps de crises politiques majeures, notamment quand il intervint dans les luttes entre almaami et candidats à l’almamyat. C’est durant la période allant de 1844 et 1851 qu’il rédiga entre autres : Nasihat al-ru’at (Conseil aux pasteurs) et Tadkhira li-islah dhat al-bayn bayna al-fi’atayn al-‘azimatayn. Ce fut par son travail d’ijtihad qu’il proposa de mettre fin aux combats entre les deux branches Alfaaya et Soriyaa en faisant alterner tous les deux ans, l’almaami et les représentants de chacune des deux branches rivales du Fouta. Certaines traditions rapportent également qu’il aurait autorisé le deuxième séjour au Fouta-Djallon du conquérant foutanké Al-hajj Umar al-Futi entre 1844 et 1848. On rapporte à ce sujet:

“Thierno Sadou est l’un de ceux qui donnèrent à Almamy Oumarou le conseil de ne nullement inquiéter le marabout conquérant. Il éviterait ainsi, disait-il, des ennuis au Fouta. Pour illustrer sa recommandation, Thierno Sadou compara El Hadj Oumar à un piton qui survolait le Fouta en se dirigeant vers l’est. C’est sur cette recommandation qu’Almamy Oumarou autorisa le visiteur à établir son royaume à Dinguiraye.”.

Généalogie des almaami du Fouta-Djallon des deux branches Soriyaa et Alfaaya

 

C’est dans ce contexte de luttes internes et de troubles politiques qu’il rédigea son célèbre Conseil au pasteurs (nasihat al-ru’at), ce texte composé au milieu du 19e siècle s’inscrit dans un contexte de crise et politique et sociale que traversa le Fouta à la même période. Le poème fut certainement composé entre 1845 et 1851, à l’époque où Thierno Sadou avait entre 57 et 63 ans. La tradition islamique a connu en différents temps et époques des exhortations faites aux souverains dont s’est probablement inspiré Thierno Sadou lors de la composition de son Nasihat al-ruat. En effet, ce genre littéraire connu sous le nom de Nasihat al-muluk (Conseils aux rois) tire son origine dans la littérature médiévale arabe développée à la fin de la période omeyyade. Il correspond plus ou moins aux Mirroir des princes de la littérature européenne qu’il précède néanmoins de plusieurs siècles. Une tradition de conseils aux souverains existe également en Afrique de l’Ouest musulmane, notamment avec al-Hadhrami qui influença grandement le mouvement almoravide et ses émirs mais aussi avec les conseils donnés par al-Maghili (1425-1505) au souverain du Songhay, Askia Mohammed (1443-1538). Al-Maghili écrivit également au sarki (gouverneur haoussa) Muhammad Rumfa de Kano à la fin du 15e siècle.

La métaphore du pastorat prend ici deux sens importants dans le choix du titre de l’oeuvre. Premièrement dans les sources islamiques et notamment le hadith (parole prophétique) dans le sens: “Vous êtes tous des bergers (kullukum ra’in) et tous comptables de l’objet de votre gardiennage (wa kullukum mas’ul ‘an ra’iyyatih) : l’imam, qui est le berger des hommes (‘ala al-nasi ra’in) est comptable de cette bergerie (ra’iyya); l’homme est le berger (ra’in) des membres de sa famille (ahl baytihi) et il est comptable de sa bergerie; la femme est la bergère (ra’iya) des membres du foyer de son mari (ahl bayti zawjiha) et de ses enfants (waladiha) et elle en est responsable (wa hiyya mas’ula ‘anhum); l’esclave d’un homme (‘abd al-rajul) est le berger (ra’in) des biens de son maître et il en est responsable. Vous êtes certes tous des bergers et tous comptables de votre bergerie.” Cette parole prophétique prend tout son sens dans cette société peule ou l’élevage et la vie pastorale sont un élément fondamental de la culture et de l’identité. Le parachèvement du Pulaaku passe par la possession de bétails et reste un idéal et un élément de prestige même chez les Peuls islamisés et sédentarisés, il fut donc normal pour Thierno Sadou d’utiliser cette métaphore qui saura retenir l’attention de son peuple.

Le Conseil aux pasteurs s’inscrit donc dans une continuité littéraire et scientifique du patrimoine islamique connu, mais en étant adapté au réalités sociétales de son auteur. Voici la traduction française de ces vers:

” Par le nom de Dieu, Rahman le Miséricordieux.

Dieu bénisse notre seigneur Muhammad, sa famille, ses compagnons!

Ce poème, intitulé Conseil aux pasteurs, a été composé par Abu Sa’idu b. Ibrahim b. ‘Abd-allah de la famille des Seeleyaabe

Puisse Dieu lui accorder son pardon, à lui-même; à ses parents et à l’ensemble des croyants. Amen! Ô Seigneur de l’Univers !

  1. Loué celui qui dispose de nous selon sa volonté, gloire à celui qui ne sera point interrogé sur ses actes.
  2. Que Dieu bénisse le Prophète et lui accorde son salut, à lui, à sa famille, à ses compagnons et à tous ceux qui leur ont succédé.
  3. Dans ce poème, je souhaite donner un conseil amical à un frère, s’il veut bien l’entendre et l’accepter.
  4. Je l’ai intitulé: “Conseil aux pasteurs”, car nous sommes tous des pasteurs et nous auront à répondre de [notre] troupeau.
  5. Il est de notre stricte obligation de désigner un imam juste car le monde et la religion ne peuvent prospérer que par l’autorité.
  6. La religion et le pouvoir sont deux frères jumeaux, la religion est le fondement du pouvoir, elle le protège et le rend inébranlable.
  7. Un pouvoir sans religion est un mur qui menace ruine, une religion sans pouvoir est comme un guerrier désarmé.
  8. Autant le pouvoir assuré par un imam juste est excellent, autant le pouvoir de l’imam injuste est détestable.
  9. Le juste séjournera dans le paradis avec le meilleur des hommes (Muhammad), tandis que l’oppresseur sera châtié aux côtés de Pharaon.
  10. Un seul jour de justice dans l’exercice du pouvoir a plus de prix que soixante années d’obéissance [à Dieu].
  11. Soixante années d’injustice valent mieux qu’une demi-journée d’anarchie pour une nation.
  12. Dans le feu de l’enfer, il est une vallée nommée Hab-Hab, préparée pour les dirigeants tyranniques aux jugements torses.
  13. Demain, ils seront stationnés sur un pont instable, dont les tremblements feront tomber leurs membres en lambeaux.
  14. Le juste le franchira, mais le point se retournera sur le tyran qui sera précipité au fond de l’enger au terme d’une chute de soixante ans.
  15. La tyrannie fait périr le tyran en ce monde et dans l’autre. Quel détestable pacage pour lui et quelle piètre aiguade!
  16. Le dirham extorqué sera racheté dans l’au-delà par sept cents prières rituelles agrées [par Dieu].
  17. Tout musulman qui oppresse ou qui vient en aide à l’oppresseur sera dépouillé de sa profession de foi au moment de son dernier soupir
  18. Ô toi à qui le pouvoir a été conféré, prête l’oreille à l’exhortation d’un conseiller qui ne cherche pas à te tromper.
  19. Mets-toi en quête d’un vizir intègre qui te dispense de loyaux conseils, qui craigne Dieu et se préserve de ce qui est prohibé.
  20. Le prince est comme son vizir, si celui-ci est injuste, le prince le sera aussi, et si celui-ci est juste, le prince le sera pareillement.
  21. Si le prince se tient droit comme un piquet, son vizir le fera pencher et s’il est courbe comme une queue, son vizir pourra le redresser.
  22. Suis l’exemple des sages et demande leur si tu ne sais pas, rappelle-toi la parole de ton Seigneurs: “interrogez les Détenteurs de l’Edification si vous ne savez point”.
  23. Le meilleur des dirigeants est celui qui suit l’exemple de ceux qui sont versés dans les sciences religieuses et le pire des hommes de science dans la Communauté est celui qui cherche la faveur des dirigeants.
  24. Lorsque l’opprimé vient à toi pour se plaindre, délivre-le du mal dont il se plaint et viens à son secours, change sa tristesse en joie.
  25. Dieu châtiera un homme qui n’a jamais enfreint sa loi pour n’avoir pas porté secours à l’opprimé lorsqu’il s’est présenté à lui.
  26. Quand tu portes un jugement, représente-toi que l’Envoyé de Dieu est devant toi, et cela vaut mieux pour toi.
  27. Ô homme, représente-toi le jardin à ta droite et le feu à ta gauche, et le pont sur lequel tu marches.
  28. Dieu a pénétré tes pensées intimes et connait le fond de ta conscience, bientôt tu auras à en rendre compte!
  29. Lorsque tu seras posté devant ton Maître suprême, et que tu verras accourir ceux à qui tu as causé du tort,
  30. Alors qu’il se seront partagé le bénéfice de tes bonnes actions, s’il reste quelque chose à payer, c’est toi qui seras chargé de leurs fautes.
  31. Or il n’est pas de pire dupe que celui qui œuvre pour les autres et qui se charge du fardeau qui incombe aux autres.
  32. Les bienfaits qui lui sont attribués passeront à celui qu’il a lésé, les méfaits de celui qu’il a lésé lui seront imputés.
  33. Dans chacun de tes actes, place le livre de Dieu devant toi, il te conduira à la félicité et tu exulteras.
  34. Ne le rejette pas derrière toi, car un tel acte te conduira à la géhenne où tu seras abandonné.
  35. Quand le pauvre et le malheureux viennent à toi, occupe-toi d’eux et réponds à leur espoir.
  36. Lorsque le pouvoir t’est confié, empresse-toi de faire le bien car le pouvoir change rapidement de main.
  37. N’enfreins pas les lois de ton Seigneur de peur d’être destitué, car celui à qui le pouvoir a été confié sera inéluctablement destitué.
  38. Combien sont doux les propos (du) poète, plus doux qu’un rayon de miel assaisonné de giroflée:
  39. “Le pouvoir ne demeure pas longtemps dans les mains de celui qui le détient”, si tu nies cela, dis-moi donc où sont passés ses premiers détenteurs.
  40. N’entreprends que de bonnes actions, car lorsque tu seras destitué, elles resteront.
  41. Il n’y a rien de plus fatigant de nos jours que le prince qui est porté aux rues pour deux actions contradictoires alors qu’il est dans la prospérité.
  42. Faisant à la fois des interdictions et des recommandations au même individu et rusant pour destituer celui qui n’approuve pas ses décisions.
  43. De nos jours, le pasteur et son troupeau ressemblent à des moutons qu’attaquent un lion ou une hyène.
  44. Les dirigeants n’ont d’autres soucis que les deux cavités (ventre et sexe féminin). Ils ne savent pas que la pasteur aura à rendre compte de son troupeau.
  45. Celui qui meurt alors qu’il a trompé son troupeau ne humera pas les senteurs du Paradis ni n’en franchira la porte.
  46. De nos jours, est méprisable auprès de Dieu l’allégeance prêtée à un prince par intérêt.
  47. Celui qui prête allégeance à un sultan pour une ambition terrestre sera comblé s’il l’atteint, sinon il sera destitué.
  48. Un châtiment cruel lui est réservé au jour de la résurrection s’il ne se repent pas avant la mort d’un repentir agréé par Dieu.
  49. N’attribue pas de charge par favoritisme car tu aurais à assumer la moitié des fautes de celui que tu aurais désigné.
  50. Ne confie pas de poste à celui dont les mœurs sont détestables, tu supporterais le poids de ce que tu n’as pas commis.
  51. Au contraire, confie-s-en un à celui dont les mœurs sont louables, tu obtiendras la récompense pour ce que tu n’as pas accompli.
  52. Repens-toi en regrettant toutes tes fautes, fermement décidé à ne plus jamais les commettre, hâte-toi!
  53. Restitue ce que tu as extorqué et restaure le droit en même temps, tu seras sauvé, car Dieu accorde son pardon et l’homme doit répondre de ses actes.
  54. Fréquente les gens vertueux et témoigne-leur de l’affection, parle et agis comme ils l’ont fait.
  55. Celui qui fait le mal et qui aime des gens pieux connaîtra le bonheur grâce à eux et ses mauvaises actions seront changées en bonnes.
  56. Celui qui pratique les bonnes œuvres et aime les impies connaîtra par eux le malheur et ses bonnes actions seront changées en mauvaises.
  57. Commande le bien et interdis le mal, ne transgresse pas les limites posées par Dieu, principe de tout.
  58. Commande ce qui t’a été commandé et interdis ce qui te l’a été, ce sera agréé et si tu fais le contraire, cela ne le sera pas.
  59. Suis les commandements et respecte les interdictions, évite les innovations blâmables, suis la sunna du Prophète, l’Envoyé.
  60. Pare-toi de la parure des stations de la certitude qui sont neuf, comme les sphères célestes auxquelles on peut les comparer.
  61. Ce sont: repentance, ascèse, patience, actions de grâces, crainte [du châtiment], espoir [ de la récompense], amour, acceptation des décrets divins, et abandon de soi à Dieu.
  62. Sois patient en sachant qu’au début la patience est plus amère que la myrrhe, mais qu’à la fin elle est plus délicieuse que du lait sucré au miel.
  63. En Dieu établis des relations et lance-toi au combat en son nom. Ne crains pas, en Dieu rapproche-toi de celui qui apporte foi à la promesse de Celui à qui rien n’échappe.
  64. Donne de l’argent, mais n’en donne pas à tes ennemis. Sois généreux, mais ne rappelle pas ton bienfait car, à le rappeler tu abolis la récompense que tu pouvais en attendre.
  65. Pèse en complétant la mesure, mange ce qui est licite; tout le bien réside dans ce que le Seigneur a déclaré licite.
  66. Ne pratique pas l’usure ou la corruption avec l’argent de l’orphelin, souviens-toi de la parole de Dieu: “n’approchez [du bien de l’orphelin] que de la manière la plus convenable” et “ne mangez pas mutuellement au nom du faux”.
  67. Si tu t’engages , accomplis ce que tu promets, en d’autres termes, tiens ta parole, sinon, dis “non” car “non” est plus facile que oui.
  68. Il a péri celui dont le mensonge et la trahison étaient la nature, et l’orgueil pervertit tout ce dans quoi il s’insinue.
  69. Se laisser séduire par la majesté du trône, c’est se laisser entourer par un serpent sans fin.
  70. Abstiens-toi complètement de l’interdit et écarte ton regard de l’illicite.
  71. Soumets-toi à ton Seigneur. En supposant que tu es la plus humble des choses, ta position sera la plus élevée qui soit.
  72. Celui qui ne repousse pas l’orgueil sera poussé dans le feu. C’est par l’orgueil que [Satan] le Maudit a été maudit et a pris la fuite.
  73. Si l’homme sensé découvre son début et sa fin et ce qu’il a dans les entrailles, il se fait tout petit [devant Dieu]
  74. Sa mère l’a porté comme un tourment et toute sa vie il a porté le tourment, et le tourment l’accompagnera dans son cercueil.
  75. L’envie de l’envieux et l’hypocrisie de l’hypocrite dévorent leurs bonnes œuvres comme le feu dévore le bois sec.
  76. C’est à cause de l’envie que le malheur a frappé Abel, l’hypocrisie est la forme minimale de l’idolâtrie et elle est contagieuse.
  77. Qu’il soit défait celui qui calomnie quelqu’un auprès de toi! Même s’il agrémente ses propos dénonciateurs de broderies somptueuses, il sera couvert de honte.
  78. J’ai appris ce que tu m’as transmis d’après Un Tel, de même tu transmettras d’après moi à Un Tel.
  79. Dis: en mettant au grand jour les médisances qui sont restées cachées, tu manges la chair de ton frère et bois son sang.
  80. Tu lui offres ce dont tu te préserves, est-ce qu’il peut te rétribuer autrement qu’en faisant ce que tu lui faisais?
  81. Si tu te repens, tu seras le dernier à entrer au paradis, sinon tu seras le premier à entrer dans le feu.
  82. Sois généreux car la générosité est un arbre dans le paradis sous les branches duquel se réfugie le généreux.
  83. Ne fais pas preuve d’avarice car l’avarice est un arbre de l’enfer sous les branches duquel se réfugient les avaricieux.
  84. Chacun des deux arbres se recourbe sur ceux qui se sont réfugiés près de lui pour les faire parvenir à l’endroit où ils prennent racine.
  85. L’âme charnelle, Satan, l’amour de ce bas monde sont des ennemis et si tu les négliges, eux ne te négligerons pas.
  86. Cette âme est plus nuisible que soixante-dix satans, tu peux te séparer de Satan, mais tu ne peux défaire ton âme.
  87. Oppose-toi au deux et ne te fie à aucun d’eux, et s’ils te donnent des conseils [sache que] leurs conseils sont des tromperies meurtrières.
  88. Le conseil de Satan concernant la nourriture a porté préjudice à Adam et, à cause de la tromperie de Satan, Barshish (ermite dans la tradition musulmane, qui après une longue carrière d’ascétisme succombe au tentations du Malin) a hurlé de désespoir.
  89. Résiste aux passions, parce que quiconque s’y soumet devient adepte de ce bas monde, et le pâturage de son amour est délétère.
  90. Ne désire rien d’autre que ton Seigneur car celui qui désire devient esclave et se couvre de mépris.
  91. Le Conseil aux pasteurs s’est achevé avec l’aide de notre Maître. Je proclame la louange de Dieu au terme du récit comme je l’ai fait dans son début.
  92. Que Dieu répande les plus pures de ses bénédictions sur le Prophète, sa famille, ses compagnons au moment où je commence et où j’achève!
  93. Que Dieu accepte le début et la fin et qu’Il accepte aussi par Sa grâce ce qui se trouve entre les deux!

 

[Islam et bonne gouvernance au XIXe siècle dans les sources arabes du Fouta-Djallon; Georges Bohas, Alfa Mamadou Lélouma, Abderrahim Saguer, Bernard Salvaing, Ahyaf Sinno]

[Pouvoir du Livre, pouvoir des hommes: la religion comme critère de distinction; Roger Botte]